Le mouvement rebondit après une plainte de la mairie contre le camp.
Par Gilbert LAVAL
Libération du samedi 5 mai 2007
A l’inverse de ce qui se passe dans plusieurs villes en France, les Don Quichotte ne lèvent pas le camp à Toulouse, au contraire. Jeudi, la mairie a déposé plainte pour occupation illégale d’un espace public, ce qui a décidé les vingt-quatre SDF encore présents à ouvrir leur campement à leurs soutiens, dont François Simon, conseiller municipal altermondialiste, ou Cyrus et Florence, des voisins descendus de leur immeuble.
Eric Sevrin, 47 ans, gérant d’une société, vient y faire un petit tour tous les jours depuis trois mois. Anne-Laure et Jean-Yves, deux quinquagénaires, passent régulièrement prendre le café avec eux. Isabelle, 35 ans, travaille comme auxiliaire de vie le week-end et joue les bénévoles du campement en semaine. Un drapeau de pirate flotte sur la tente qu’elle occupe en permanence avec son époux.
Un bandana noué sur le crâne, Philou, un ancien officier des transmissions, fait signer des pétitions : « La mairie nous propose un terrain à l’extérieur de la ville ou des baraquements Algeco à peine dignes des bestiaux, dit-il. Elle veut cacher la misère faite à ses pauvres. » Les services sociaux de la mairie, qui ont déjà logé huit Enfants de Don Quichotte en HLM et admis neuf autres en hébergement temporaire, dénoncent la « mauvaise volonté » des campeurs. Michaël, 30 ans, pourrait se sentir visé : il revient d’un entretien pour un logement qu’il n’est pas sûr de devoir accepter. « Ils me disent qu’une commission tranchera mon cas au plus tôt à la fin juin. Et pour une chambre où je n’aurai le droit de recevoir personne. »
Gaby, un ancien maçon, et Papy le vieux routard, relogés l’un et l’autre, n’ont pas pour autant déserté le lieu, « par solidarité », disent-ils. « S’est créée ici une vraie vie de communauté », dit-elle. « Certains ont totalement arrêté de boire », ajoute Nathalie. Jacques est en passe de décrocher un emploi temporaire de nuit à Airbus : « Je n’aurais jamais trouvé ça seul, hors de ce campement qui fonctionne comme une bourse d’informations. » « Il est indigne d’une ville comme Toulouse de ne pas trouver de solution pour ses sans-logis », peste l’élu François Simon. Le 10 mai, le tribunal des référés décidera de l’expulsion des Don Quichotte.