Accès aux équipements publics, le casse-tête des habitants du Mirail
mardi 25 juillet 2023 , par VIDEOS DE TV BRUITS
dansDepuis des années l’accès aux salles municipales pour les habitant.es et les associations est compliquée. Nous profitons de la fermeture de la piscine Alban Minville et de la récupération du pôle bastide par les agents de la mairie pour prendre du recul sur ce phénomène et les conséquences qu’il peut avoir sur la vie de quartier.
Des habitant.e.s et associations des quartiers populaires de l’ouest toulousain se plaignent de difficultés d’accès aux locaux publics depuis plusieurs années. Une préoccupation particulièrement sensible alors que le rapport compliqué aux institutions est considéré par les sociologues comme une clé d’explication majeure des émeutes urbaines de début juillet.
Sur une petite place à l’entrée du quartier Bellefontaine où stationne un camion de pizza et où sont installés quelques jets d’eau et brumisateurs, Amine* n’en revient toujours pas. La piscine Alban Minville sera fermée tous les après-midi de l’été. Ce trentenaire qui a grandi dans ce quartier populaire de l’Ouest toulousain laisse éclater sa colère : “Quand on était petits, on y était tous les jours. Tu passais 5-6 h dans la piscine, tu faisais quelque chose. Là, il te suffit de regarder autour de toi, les enfants de 11-12 ans, ils ont rien, alors ils font quoi ? Ils partent dans les réseaux, ils dealent, c’est pas normal !” explose-t-il.
Cette fermeture estivale est une conséquence de gros travaux de rénovation initiés en 2017 par la mairie de Toulouse pour un montant de 4,4 millions d’euros dans le cadre de son “plan piscines”. Depuis, la structure pourtant située au milieu d’un quartier politique de la ville et pendant plusieurs décennies ouverte aux habitant.es tout l’été, est considérée par la municipalité comme une piscine d’hiver qui doit également servir pour les clubs de natation de la ville. “Ils n’ont pas créé d’ouverture dans l’enceinte, explique une source au sein du centre Alban-Minville. Cela fait qu’il y fait trop chaud l’après-midi. L’année dernière les maîtres nageurs avaient même exercé un droit de retrait en juin tellement la température était élevée près des bassins”.
Symbole d’une absence de prise en considération des préoccupations des habitant.es des quartiers, cette décision, qui prive les habitant.es d’un rafraîchissement bienvenu l’été, s’inscrit dans un cadre plus global, celui de l’absence d’espaces public que les habitant.es peuvent s’approprier comme un lieu où les jeunes puissent se réunir à Bellefontaine.
La préoccupation est notamment avancée par des membres d’associations très actifs sur le quartier comme Mathurin M’Balla, coordinateur artistique de l’association Hybride Art & Éloquence. Il organise notamment des ateliers d’écriture en direction des jeunes avec son association. Installé depuis 15 ans à Bellefontaine, il déplore des difficultés d’accès aux salles du centre culturel Alban Minville pour organiser ses activités depuis environ quatre ans. En parallèle, l’acteur associatif dénonce une éviction “brutale” des lieux qu’il occupe actuellement au sein du pôle Bastide, au-dessus du métro Bellefontaine, qu’il devra quitter en septembre. De quoi compliquer sérieusement son action sur le quartier.
Pour Mathurin M’Balla, la volonté des pouvoirs publics et notamment de la municipalité de se réapproprier l’action culturelle sur les quartiers populaires toulousains a pour effet de brider les initiatives citoyennes des habitant.es.
Annie Conter, bénévole chez Reynerie Miroir, un journal qui traite de l’actualité du quartier éponyme depuis près de 10 ans, dresse le même constat : celui d’une volonté de contrôle de l’action sur son quartier et d’une forme de “peur” des pouvoirs publics de tout ce qui vient des habitants. Une attitude qui se traduit par des difficultés d’accès à des locaux notamment à la Maison de la citoyenneté où les habitants et associations ne se sentent pas toujours les bienvenus.
Pour expliciter ce rapport toujours ambivalent des associations et habitant.e.s aux institutions, elle s’appuie sur l’exemple du château de la Reynerie et de son accès. La bénévole évoque “une forme de clientélisme” dans les relations avec la mairie par exemple. “On a demandé à avoir le château de la Reynerie pour fêter les 10 ans de l’association. On a su qu’on l’aurait seulement 15 jours avant. On a l’impression qu’ils sont sensibles à ce que l’on demande, ils nous aident, mais il faudra quand même que l’on dise que c’est grâce à eux parce que c’est important”.
Paul de Bary et Dorian Cabrol
* le prénom a été changé