Notre-Dame-des-Landes : le silence du mouvement social français
samedi 27 octobre 2012 dans Humeurs
Source : http://www.politis.fr
Tribune. Deux jeunes paysans de la confédération paysanne (Morbihan et Var) appellent à l’aide : « Il ne manque pas de courage ni de détermination à Notre-Dame-des-Landes. Il manque de la légitimité. »
Depuis mardi 16 octobre au matin, plus de 500 gardes mobiles ont envahi la campagne tranquille du Nord de Nantes. Ils ont chassé les gens de leur habitat, détruit des maisons et enlevé les pierres une par une pour s’assurer qu’elles ne seraient pas rebâties. Depuis six jours, environ 200 personnes dorment chaque nuit sur des barricades, respirent des gaz lacrymogènes, organisent le ravitaillement des copains en première ligne, tout cela dans une non-violence exemplaire (sinon, il n’y aurait pas cet assourdissant silence médiatique !).
Depuis quelques jours, des gros ballots de vêtements, de bottes, de chaussettes, de piles, de pommes, de pâtes, de légumes, de café, de jus de fruits, de barres de céréales, affluent dans le hangar qui sert de QG à la résistance, témoignant que si peu de gens osent s’aventurer dans le « territoire en guerre » qu’est devenu ce beau bocage, il existe une véritable indignation dans la population.
Et enfin bon, des raisons de s’indigner il y en a tout de même : il n’a rien d’autres à faire ce gouvernement que de mobiliser des centaines de flics pendant des semaines pour chasser des gens de leur maison alors qu’il semble qu’il y ait une crise du logement dans ce pays, rien de plus urgent comme dépense que de construire un aéroport pour en remplacer un autre loin d’être saturé alors qu’on nous dit que la priorité c’est de réduire les déficits, rien de plus important que de développer le trafic aérien alors qu’il paraît qu’il y a un truc qui s’appelle le changement climatique ?
Alors pourquoi ce silence ?
Soit, ce qui est une possibilité réelle, le mouvement social est bien mal en point, tué par la « crise », asphyxié par l’arrivée de la gauche au gouvernement.
Soit ce combat n’est pas celui du mouvement social, car ceux qui luttent pied à pied à Notre-Dame-des-Landes ne sont pas très présentables, un peu trop boueux, avec en prime des têtes un peu trop jeunes et que donc certainement ils sont violents, donc peu fréquentables.
Soit encore vous ne savez pas quoi faire.
Si c’est cette dernière option qui prime, quelques idées :
La résistance à Notre-Dame-des-Landes est incroyable. Il est incroyable que quelques centaines de personnes sans moyens financiers, sans soutien logistique aucun à part celui de quelques habitants et paysans des alentours, logeant dans des abris de fortune, sans eau, sans électricité, aux vêtements détrempés, aient résisté une semaine derrière des barricades de bric et de broc face à une véritable armée. Ils sont encore là et ne vont pas lâcher, même s’il leur faudra probablement se replier à un moment ou à un autre.
Il ne manque pas de courage ni de détermination à Notre-Dame-des-Landes. Il manque de la légitimité.
Et cela, vous, vous qui savez écrire, qui avez les arguments en tête, qui êtes reconnus socialement comme des gens « sérieux », qui avez de l’audience auprès des militants de vos organisations, qui connaissez des journalistes, qui êtes en contact avec des politiques, vous qui êtes respectés, vous pouvez le donner à la lutte de Notre-Dame-des-Landes : de la légitimité.
Ce sont des choses que vous savez faire : écrire aux pages débat des journaux, organiser des conférences de presse, passer des coups de fil à droite à gauche, signer des tribunes collectives, intervenir lors de conférences, convaincre des gens connus d’aller à Notre-Dame-des-Landes, ne serait-ce qu’une demi-heure, pour qu’ils puissent dire leur indignation devant les médias, puisque ces médias n’ont rien à faire de l’indignation des gens ordinaires.
Vous savez faire cela et c’est vraiment le moment de le faire maintenant.
Cette lutte est exemplaire et c’est aujourd’hui à chacun(e) d’entre vous de permettre au mouvement social dans son ensemble de faire preuve d’une solidarité exemplaire.