Texte de Samuel Churin, comédien
Le gouvernement a fait paraître ce jour du 26 juin au Journal Officiel son agrément à la nouvelle convention d’assurance chômage.
Cette date anniversaire, nous la connaissons.
Pour certains le 26 juin 2003 marque le début de la lutte, pour les plus fragiles : la perte de leurs droits.
Pour les salariés à haut revenus : des Assedics de compléments qu’ils ne percevaient pas auparavant
Pour les Annexes 8 et 10 : un principe de capitalisation préféré à un principe juste et redistributif.
Ce 26 juin pourrait se résumer en une phrase : ce sont les exclus du régime qui financent les Assedics versés aux salariés à haut revenus.
Ce 26 juin 2003 marque aussi le grand amour et l’immense solidarité du Parti Socialiste pour les intermittents du spectacle.
Ainsi François Hollande, en mars 2004, venait écouter avec un très grand intérêt nos contre-propositions à l’Assemblée Nationale, Jean-Marc Ayrault les signait à l’unanimité pour l’ensemble du groupe socialiste, François Rebsamen l’actuel ministre du travail les validait encore le 9 mars dernier. Oui, pour nos amis socialistes, il n’y avait pas pire que cet accord du 26 juin 2003 que la méchante droite par la plume d’un autre François (Fillon) avait osé agréer. Manuel Valls dans son dernier discours s’est souvenu un instant de ses promesses passées : il a dans la même phrase critiqué l’horrible accord du 26 juin 2003 et précisé que, par contre, celui du 22 mars 2014 n’aurait aucune conséquence puisque le problème du différé d’indemnisation était pris en charge par l’état (de manière provisoire) !
Ne pouvant ignorer que l’accord du 22 mars est le renouvellement en pire de celui du 26 juin (la surcotisation de 2% est toujours oubliée) Manuel Valls a, en 10 secondes, retourné sa veste battant Rebsamen à plat de couture. Cependant le Premier Ministre, pour se réconcilier avec lui-même, a décidé que l’accord du 22 mars serait légitimement appelé accord du 26 juin, rejoignant ainsi son jumeau d’il y a 11 ans.
Ainsi, nous n’avons même plus à commenter, les journalistes le font eux-mêmes : cynisme, inconséquence, mépris sur le choix du calendrier. Tels ont été les trois mots qui ont été le plus souvent prononcés aujourd’hui. A cela j’ai répondu que le Premier Ministre était particulièrement attaché à la date anniversaire. Cela tombe bien, nous la réclamons.
Et maintenant que cet agrément a été donné, qu’allons-nous faire ?
Il va falloir faire preuve d’intelligence, d’imagination, de sens politique, et de détermination. Et l’histoire montre que nous n’en avons jamais manqué.
Le piège qui nous est tendu est là. Il nous attend. C’est la guerre de tous contre tous.
Tout comme ces bêtises sur les privilèges, il ne faut plus accepter ces termes « d’ultras » ou de prétendue « violence ». Nous devons abolir ce vocabulaire de peur visant la division.
Et tout d’abord, nous allons devoir penser à nous.
La première des choses, primordiale, celle qui a présidé à toutes les AG auxquelles j’ai participé jusqu’à présent : nous allons devoir nous écouter. Et cet effort sera d’autant plus important que les points de vue seront bien plus contradictoires maintenant. Il faut absolument décrisper les tensions et que chacun s’exprime librement. Quel que soit le mode de lutte choisi, il faudra veiller à rester unis et solidaires. Oui il faut que la parole circule, partout, et qu’elle soit respectée. Et le seul objectif sera de se demander systématiquement : « qu’est ce qui est le mieux pour nous ? ». La lutte sera longue, nous devons être aussi nombreux à la rentrée. Tout cela, il faut y penser.
Il est inutile de se mentir sur le diagnostic. Nous voyons ici et là la tentation de certains employeurs de surjouer la « formidable » proposition de Valls qui, malgré l’agrément à un texte inacceptable, deviendrait tout à coup un partenaire sur lequel nous pourrions compter. Nous avons bien compris que le seul objectif de cet enthousiasme aussi soudain qu’aveugle était de « sauver » les festivals.
Et bien c’était le meilleur moyen de mettre de l’huile sur le feu. Oui, une analyse juste ne conduit pas au chaos. C’est en toute lucidité que nous devons avancer ensemble.
Le grand mouvement initié par le Printemps des comédiens à Montpellier ne doit pas s’arrêter.
Ce mouvement national a déjà permis une chose essentielle et tellement précieuse :
NOUS N’AVONS JAMAIS ÉTÉ AUSSI UNIS
D’autre part, et ce n’est pas négligeable :
Les intermittents ont profondément compris qu’ils n’étaient pas des privilégiés, que les annexes 8 et 10 n’étaient pas attaquées pour des raisons économiques mais idéologiques, que le MEDEF voulait à tout prix éviter que notre modèle serve aux autres.
Tout le monde sait que 6 chômeurs sur 10 ne sont pas indemnisés
Beaucoup ont bien compris que ce paritarisme était à bout de souffle et qu’il était urgent que l’assurance chômage devienne une grande cause nationale
Ce que nous défendons, nous le défendons pour tous
Grâce à notre lutte, l’état reconnait que les discussions ne peuvent pas se faire sans les premiers concernés. Le gouvernement communique et parle de « table des négociations ». PARFAIT.
Prenons-les au mot. Nous sommes heureux d’apprendre que ces négociations sont ouvertes à tous. Faisons en jurisprudence : les accords sur l’assurance chômage ne pourront plus se passer sans nous.
De même il est hors de question que les experts de l’Unédic à la solde du MEDEF décident de nos vies. C’est simple, ils se sont toujours trompés. Pour rappel, ces mêmes « spécialistes » avaient vendu aux syndicats de salariés que l’accord de 2003 ferait 30% d’économies. C’était bien leur seul argument. Nous avions dit que cette réforme précariserait et dépenserait d’avantage. Nous avions raison. Les chiffres sont là, incontestables : l’accord a produit 30% de dépenses supplémentaires pour des gens qui n’en ont pas besoin et précarisé 70% d’intermittents pour compenser ces dépenses. C’est ce qu’on appelle un sacrifice purement idéologique.
Pour des raisons évidentes, nous exigeons que nos experts soient autour de la table. C’est un préalable non négociable.
Nous demandons aussi à tous les sénateurs et députés de soutenir nos propositions. Beaucoup prétendent être à nos côtés. Nous avons connu cela. Et bien nous voulons des preuves. Et la meilleure d’entre elle sera une proposition de loi si nous ne sommes pas écoutés. Nous demandons à ce que ces mêmes élus s’emparent du dossier assurance chômage et agissent pour que les règles de fonctionnement de l’Unédic soient remises en cause.
Nous devons cesser d’être défensif, il faut continuer à avancer, tête haute, regard en face. Reprendre l’offensive nécessaire pour que cette unité, ce diagnostic partagé, cette cause juste soit portée haut et fort dans tous les festivals à venir. Nous devons avoir confiance en nous.
26 juin 2003 – 26 juin 2014 Nos actions n’ont jamais connu de pauses, elles n’en connaitront pas
Samuel Churin