PETITION : APPEL POUR LA FERMETURE DES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES POUR MINEURS - SNPES-PJJ / FSU

mercredi 27 août 2008 dans Humeurs


Parmi les 7 Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs, prévus par la loi Perben I de septembre 2002, 5 ont été ouverts à grand renfort d’une communication gouvernementale démagogique. Ainsi, le précédent Garde des sceaux se plaisait à proclamer que l’objectif des EPM serait « de faire tourner la détention autour de la salle de classe ». Non ! L’objectif des EPM est bien d’augmenter l’incarcération et invoquer la salle de classe est une façon de minimiser le poids des murs, du système disciplinaire, de l’isolement et le but punitif de la prison.

Plus récemment, malgré le suicide d’un adolescent à l’EPM de Meyzieu le 2 février 2008 Rachida Dati l’actuelle Garde des Sceaux en rajoutait dans la banalisation. Elle affirmait « il faut pérenniser ce type de structures, elles ont fait leurs preuves ».

La Ministre, obnubilée par la promotion de ces nouvelles prisons, en tire avant l’heure un bilan positif. Le suicide d’un adolescent n’est qu’un accident regrettable lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre une politique de répression toujours plus forte à l’égard des mineurs qui commettent des délits.
Dans le droit fil des propos du président de la République pendant la campagne électorale, qui déclarait qu’un adolescent très grand et violent ne pouvait être considéré comme un mineur, sa Ministre de la justice annonce pour 2008 une refondation de l’ordonnance de 1945.

Au prétexte d’un changement de nature de la délinquance des mineurs, elle propose d’appliquer aux plus âgés le droit pénal des majeurs, et d’infliger des peines à des enfants de plus en plus jeunes. Trahissant l’esprit de l’ordonnance de 1945, le gouvernement fait le choix de répondre aux actes délictueux par la seule logique de l’enfermement, écartant la nécessaire recherche des causes de ces passages à l’acte qui seule pourrait en éviter la réitération.

La création de nouvelles prisons est emblématique de cette politique. Elle encourage l’incarcération, allant jusqu’à lui conférer des vertus de réinsertion, en dépit de tous les constats généralement admis.
Depuis l’ouverture du premier EPM début 2007 de nombreux incidents violents se sont multipliés dans ces établissements entraînant des opérations de maintien de l’ordre, des mesures d’isolement pour les jeunes et des consignes de silence en direction des personnels. Ce climat de violence est accentué par la prégnance des activités intensives et obligatoires. Les mouvements de rébellion qui éclatent dans les EPM, focalisent les personnels sur les moyens disciplinaires pour soumettre les mineurs. Alors, la souffrance des adolescents, renforcée par l’enfermement, ne peut être entendue.

N’oublions jamais que les adolescents qui commettent des délits ont vécu des difficultés profondes et anciennes, des situations de violence et de prise de risque, et peuvent porter atteinte à leur propre intégrité physique. L’incarcération qui est une rupture supplémentaire, renforce les risques de passages à l’acte violent tournés contre les autres ou contre eux-mêmes. Le souci du soin et de l’éducation pour prévenir les mises en danger des détenus, est contradictoire de fait, avec la logique punitive du système carcéral.

Pourtant ces prisons sont présentées comme des lieux d’éducation et ceux qui parlent d’éducation par la prison font semblant d’oublier qu’elle renforce toujours l’exclusion et favorise la récidive. Pour des jeunes en situation d’exclusion sociale, le risque existe pour beaucoup d’entre eux de se construire une identité de délinquant et de se réfugier dans un statut de « taulard ». Fernand Deligny disait « Etre un vaurien vaut mieux que n’être rien ».

L’ordonnance de 1945, posait le principe du caractère exceptionnel de l’incarcération. C’est à partir du constat des effets pathogènes des lieux d’enfermement que les centres d’observation pour mineurs dans les prisons ont été fermés dans les années 1970. Déjà, à l’époque de la création de ces centres, ils avaient été présentés comme innovants au nom de la présence d’éducateurs de la PJJ au sein de la détention.

De tous temps, que ce soit au nom d’une observation des mineurs comme hier, d’une amélioration des conditions de détention comme aujourd’hui les « prisons modernes » ont toujours conduit à une augmentation de l’incarcération. Les 4 premiers EPM sont aujourd’hui complets, dans certaines régions les quartiers mineurs des prisons restants sont saturés.

Ainsi, le gouvernement privilégie l’incarcération des adolescents en créant les EPM au détriment des structures éducatives. Un seul de ces EPM de 60 places équivaudrait à 6 foyers éducatifs de 10 places et 8 services d’insertion professionnels pour 250 mineurs ainsi que 10 services de milieu ouvert soit 1500 jeunes suivis. Ce sont là des modalités de prise en charge éducative qui ont fait la preuve de leur efficacité.

C’est également ce que préconise la Convention Internationale des droits de l’enfant qui impose la recherche de solutions éducatives pour les jeunes délinquants.

Il existe en France un à deux millions d’enfants pauvres, la précarité et l’exclusion s’aggravent. Ce sont là des facteurs qui détruisent le lien social, accentuent l’isolement et le repli des familles, multipliant ainsi les risques de passage à l’acte au moment si tourmenté de l’adolescence. Au lieu de renforcer l’accompagnement éducatif et social qui peut limiter les répercussions négatives de la précarité sur la construction psychique des adolescents, le choix est fait pour ceux-ci, d’ajouter l’exclusion de l’incarcération à l’exclusion sociale.

Nous soutenons que les moyens pour l’accompagnement éducatif doivent primer sur les dispositifs d’enfermement.

Nous dénonçons une politique qui réduit les jeunes délinquants à leurs seuls passages à l’acte, les enfermant ainsi dans une identité de délinquant.

Nous dénonçons une politique qui en s’appuyant sur le déterminisme social et comportemental décrète l’inéluctabilité de certains adolescents et ce faisant nie leurs possibilités de reconstruction et de perspectives d’avenir.

Nous nous opposons à une réforme de l’ordonnance de 1945 qui mettrait fin à la spécificité de la justice des mineurs et à la primauté de l’éducation sur la répression à l’égard des jeunes auteurs de délits.

Nous réaffirmons que les Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs ne sont pas des structures éducatives, ce sont des prisons destinées à faciliter le recours à l’incarcération ; parce que nous avons une autre ambition pour la jeunesse nous appelons à leur fermeture et au redéploiement des budgets au bénéfice des structures réellement éducatives.

Premiers signataires :

- Gérard ASCHIERI (secrétaire général de la FSU),
- Clémentine AUTAIN (féministe, directrice de rédaction du mensuel Regards),
- Régine BARTHELEMY (présidente du Syndicat des Avocats de France),
- Alain BERTHO (anthropologue),
- Olivier BESANCENOT (Porte parole de la LCR),
- Martine BILLARD (députée de Paris),
- Nicole BORVO COHEN-SEAT (sénatrice de Paris),
- Jacques BOURQUIN (directeur à la PJJ retraité),
- Maïté BOURQUIN (directrice à la PJJ retraitée),
- Robert BRET (sénateur des Bouches du Rhône),
- Alain BRUEL (juge des enfants à la retraite),
- Annick COUPE (Union Syndicale Solidaires),
- Bernard DE FRANCE (philosophe),
- Pierre DELION (chef de service de pédopsychiatrie au CHU de Lille),
- Yves DOUCHIN (directeur régional PJJ honoraire),
- Jean-pierre DUBOIS (président de la Ligue des Droits de l’Homme),
- Jean-luc EINAUDI (éducateur, écrivain),
- Hélène FRANCO (juge des enfants, secrétaire générale du Syndicat de la Magistrature),
- Claude GUTMAN (écrivain),
- Noëlle GUTMAN (puéricultrice retraitée),
- Maria INES (co-secrétaire nationale du SNPES-PJJ/FSU),
- Samuel JOSHUA (professeur de Sciences de l’Education Université de Provence),
- Thomas LACOSTE (cinéaste, éditeur et essayiste – La bande passante),
- Jacques LADSOUS (vice-président des CEMEA, secrétaire du Musée Social, ancien vice-président du Conseil Supérieur du Travail Social),
- Léonore LE CAISNE (ethnologue),
- Yann LE PENNEC (directeur à la PJJ retraité),
- Noël MAMERE (député de Gironde, maire de Bègles),
- Jacques MIQUEL (Théâtre du Fil),
- Laurent MUCCHIELI (sociologue),
- Pierre PARESYS (président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie, psychiatre de secteur),
- Emmanuelle PIET (médecin de PMI),
- Serge PORTELLI (magistrat),
- Laurent PUECH (président de l’ANAS),
- Jack ROS (directeur régional retraité),
- Evelyne SIRE-MARIN (magistrat, membre de la LDH),
- Isabelle SORENTE (écrivain),
- Catherine STEF (psychiatre, responsable d’une unité d’hospitalisation pour adolescents),
- Dominique VOYNET (sénatrice de Seine St Denis, maire de Montreuil)
- ...

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