Approches du tiers secteur

Entretien avec Alain Lipietz

2002 dans Médias du tiers secteur

Approches du tiers secteur
Entretien avec Alain Lipietz, économiste, député européen, chargé d’un rapport ministériel sur le tiers secteur.

Définir le tiers secteur

Vous êtes l’auteur d’un rapport commandé par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sur les nouvelles frontières entre l’économique et le social, dans lequel vous vous interrogez sur les conditions d’émergence et de consolidation d’un tiers secteur en France.

Pouvez vous nous donner votre définition du tiers secteur ?

Il est plus aisé de dater l’émergence du tiers secteur moderne, qu’on peut faire remonter à 1982, année de parution du mémorable rapport de Bertrand Schwartz sur l’insertion sociale et professionnelle des jeunes que d’en donner une définition précise.
D’abord parce qu’en économie le terme secteur a de nombreuses acceptions parmi lesquelles il faut distinguer.
Quand on dit tiers secteur, on l’oppose à deux secteurs bien caractérisés qui sont le public et le privé. Le privé, vous connaissez : les entreprises embauchent des salariés, vendent des marchandises, et avec les marchandises, on paie les salariés et d’autres choses. Le public, c’est différent : on embauche des salariés par concours, on leur donne un travail à faire, non pas en fonction de ce que vont dire des clients mais en fonction de cartes administratives ; il y a la carte hospitalière, la carte scolaire, etc... Et on finance le tout par les impôts. C’est un tout autre mode de régulation. Ils ont quand même un point commun, c’est que les travailleurs sont des salariés.
Enfin, toujours pour définir un peu formellement l’idéal type du tiers secteur, il faut qu’il y ait des règles de ses rapports avec les autres secteurs. Comme il doit coexister avec le premier et le deuxième secteur, le public et le privé, il faut des instances de régulation comme cela existe déjà entre les deux premiers secteurs, avec la Cour des Comptes, et le Conseil d’Etat.
Enfin, toujours pour définir un peu formellement l’idéal type du tiers secteur, il faut qu’il y ait des règles de ses rapports avec les autres secteurs. Comme il doit coexister avec le premier et le deuxième secteur, le public et le privé, il faut des instances de régulation comme cela existe déjà entre les deux premiers secteurs, avec la Cour des Comptes, et le Conseil d’Etat.
Enfin, toujours pour définir un peu formellement l’idéal type du tiers secteur, il faut qu’il y ait des règles de ses rapports avec les autres secteurs. Comme il doit coexister avec le premier et le deuxième secteur, le public et le privé, il faut des instances de régulation comme cela existe déjà entre les deux premiers secteurs, avec la Cour des Comptes, et le Conseil d’Etat.
Le tiers secteur va donc venir se glisser entre ces deux secteurs mais évidemment il va falloir bien spécifier ce qu’il a le droit, ou pas, de faire. S’il avait le droit de tout faire, des entreprises subventionnées du tiers secteur couperaient l’herbe sous le pied du privé. Or il faut que continue à exister un secteur privé et un secteur public pour qu’existe le tiers secteur. C’est un point important.

Peut on mieux approcher la définition ?

Macro économiquement, c’est quelque chose d’assez simple qui peut se résumer à subventionner des gens avec une enveloppe qui est ce que coûte à la société le fait qu’il y ait des chômeurs. Si vous subventionnez des institutions pour embaucher les gens, au niveau que coûteraient ces gens s’ils étaient chômeurs, et bien la société n’y perd strictement rien. Au contraire, elle va y gagner quelque chose : ce que feront ces gens.
Sans rentrer dans une querelle de chiffres, on peut dire que le coût du chômage varie entre 200 à 1 000 milliards de francs suivant la manière de compter.
Si vous considérez qu’un chômeur coûte ce qu’on lui donne, vous prenez la somme des Assedic et de la partie Unedic qui remplace les revenus, et vous êtes dans les eaux de 100 - 120 milliards. Plus la formation professionnelle, vous arrivez à 200 milliards. Si vous ajoutez en plus le manque à gagner pour l’Etat du fait que les gens sont au chômage, alors vous comptez ce qu’ils auraient versé comme cotisations sociales, et vous arrivez à 400 milliards. Et si vous comptez ce qu’ils auraient rapporté au produit national brut s’ils avaient été actifs, vous arrivez à 800 à 1 000 milliards.
Il y a donc de l’argent disponible car de toute façon le chômage coûte quelque chose et mobiliser du travail avec cet argent ne coûte rien à la société mais peut lui rendre des services.
Tous ceux qui travaillent dans la lignée du rapport Schwartz de 82, connaissent à peu près cela : des prérogatives en échange d’une certaine spécificité de certains services que ne font ni le public ni le privé et puis les institutions de régulations entre les acteurs.

Peut-on alors définir le tiers secteur par ce qu’il produit ?

Quand on s’interroge sur ce que fait le tiers secteur, on procède en général par addition de poules et de carottes. On dira qu’il va faire ce que ne font pas du tout, ou en tout cas pas bien, ni le privé ni le public.
Il va faire de l’insertion professionnelle, de l’aide aux personnes dont les ressources sont insuffisantes, des choses dont les gens ne s’occupent pas parce que tout le monde s’en fiche comme l’environnement, de l’associatif qui a forcément une dimension économique.
Ce qui va caractériser le tiers secteur, ce qui va faire la somme de cette énumération de poules et de carottes, c’est que cela va être un secteur où chaque fois que l’on rend un service, on crée en même temps ce que j’appellerai un halo sociétal, c’est à dire une profusion de liens sociaux utiles à la société, à la cohésion sociale et qu’absolument personne ne peut facturer.
Pour mieux comprendre, il faut se replonger dans les années 50.
Dans un village des tas de gens étaient payés à faire des choses précises, soit dans le premier, soit dans le deuxième secteur, soit dans les résidus du troisième. Vous aviez l’instituteur, le cantonnier, la religieuse, le curé, tous ayant des fonctions extrêmement précises mais faisant mille autres choses. Quand on disait que le cantonnier était plus souvent au café que devant sa bêche, on oubliait de dire que cela faisait partie de son boulot d’être au café. D’abord parce qu’il ne pouvait pas bêcher tout le temps, sa seule existence lui créait un emploi sinon il aurait été un exclu, avec son très bas niveau de formation. Ensuite parce qu’il occupait une fonction sociale en rendant quelques services qui ne faisaient absolument pas partie de son boulot de cantonnier. L’instituteur en général était le secrétaire de mairie, sans être payé pour cela, la mairie n’ayant pas les moyens de payer un complément à son secrétaire.
On pourrait multiplier les exemples. Toute une série de gens qui étaient payés à faire quelque chose, faisaient par leur seule présence autre chose, ce qu’on appelle aujourd’hui le lien social. Le simple fait qu’il y ait des gens qui soient payés à faire quelque chose et que de ce fait ils créent du lien social, justifie mais cette fois sur le plan microéconomique ce que j’avais présenté au début comme un phénomène macro-économique. Je vous avais dit qu’on peut subventionner des gens à faire quelque chose, puisque s’ils étaient chômeurs, ils coûteraient exactement le même prix à la société. Quand vous rediscutez avec les acteurs, ils ne reprennent pas ce discours macro-économique mais au contraire ils disent : " Nous avons certes droit à des abattements de cotisations, à une dispense de taxe professionnelle. Mais si on regarde précisément ce qu’on apporte à la société par notre propre existence structurée, on s’aperçoit qu’on produit un effet qui justifie que la société nous rémunère pour cela ".
Chacun le dit dans son domaine. Les entreprises d’insertion disent : "On est une structure mutualisée d’apprentissage. Si les entreprises faisaient de l’apprentissage, elles le paieraient. Certaines entreprises du bâtiment et les travaux publics, s’insurgent parce qu’on a des subventions. Mais c’est nous qui leur fournissons leurs futurs salariés. On peut faire le calcul ..."
Ceux qui font de l’aide aux personnes à domicile disent : "Si ces personnes étaient mises dans des institutions ad hoc, combien cela coûterait-il ? ", et ainsi de suite...
Tous essaient de calculer de ce halo sociétal.
Moi, ce qui m’intéresse c’est que de toute façon le halo sociétal existe et que justement il n’est pas facturable. Il est ainsi justifié économiquement qu’un secteur qui se livre à des activités économiques marchandes en vendant des produits, y compris à des institutions, ait droit à des abattements de cotisations.

Quels statuts pour le tiers secteur ?

Peut-on définir un statut pour le tiers secteur ?

Il faut aborder ce débat en se posant la question : faut-il essayer de formaliser cette diversité en une structure pure et parfaite du tiers secteur, sur le modèle, par exemple, de l’entreprise à but social que nos voisins belges ont essayé de lancer.
Tout d’abord, je dois dire que j’ai rencontré très peu d’acteurs du tiers secteur qui soient pour cette solution.
Dans le Nord - Pas-de-Calais le réseau "le Relais" fait partie des rares acteurs favorables. Ce qu’il propose est fort intéressant : il s’agit en gros d’ une SCOP du point de vue de sa structure de pouvoir interne, mais d’une SCOP qui fonctionne sans fonds. Le " Relais " , qui regroupe une dizaine d’entreprises en France dit : " nos sociétaires n’ont pas de parts sociales à apporter. On demande donc à la puissance publique de nous donner ce capital de départ et ensuite, on fonctionnerait en gros comme une SCOP " même si ce n’est pas dit directement comme cela
Le Relais est à peu près le seul acteur qui demande la création d’une quatrième famille de l’économie sociale, voire d’une cinquième si on compte la Société Anonyme de Bienfaisance. La plupart des acteurs souhaitent plutôt garder leur forme antérieure : par attachement et par commodité car une nouvelle formule signifierait dissolution et reconstitution.
Il est donc évident que si on avait proposé cela, on se serait heurté à l’opposition de tous les acteurs sur la mobilisation desquels on comptait.
Or, cette mobilisation, cette disponibilité, j’ai pu le constater, étaient considérables et quand on veut vraiment réussir quelque chose politiquement, il faut partir de ce qui existe, de la disponibilité des gens et surtout des acteurs sur lesquels on va s’appuyer pour continuer et ne pas commencer par se les mettre à dos dès le début.
Donc, je me suis plutôt rangé à cet avis, de créer un tiers secteur avec des briques institutionnelles existant déjà dans les coopératives, les associations, les mutuelles, voire même les sociétés anonymes de bienfaisance, ou leurs héritières.
Un secteur où la forme institutionnelle serait en quelque sorte la charte. Evidemment, les gens prendraient la charte qui leur convient, dont ils ont hérité, pour les anciennes structures, et s’ils en créent de nouvelles, peut-être que l’une serait meilleure que les autres. Je pense que la structure offerte par la coopérative modèle 1947 en général, offre la meilleure souplesse pour arriver à ce que l’on cherche.
Maintenant que nous avons les matériaux de base, les briques de fondations, il va falloir vraiment construire le secteur, c’est à dire le délimiter par rapport au reste. Que faut-il faire pour que les structures déjà existantes puissent satisfaire à ce secteur ? puissent concilier des activités économiques tout en s’entourant d’un halo sociétal ? le halo sociétal consistant en des faits externes en quelque sorte non facturables, mais qui justifient les fameuses prérogatives fiscales et sociales.
Je crois qu’il y a en la matière deux clés qu’il va falloir absolument limer. La première clé est celle du pouvoir et la seconde celle de la lucrativité, de l’argent qui est le nerf de la guerre. A ce trousseau s’ajoute une troisième clé évoquée au début de mon propos : la nécessité d’instances fixant la limite entre le tiers secteur et les deux autres secteurs.
Qu’en est-il du pouvoir au sein de ses structures
Première clé : la question du pouvoir ; idéalement, il faudrait qu’une structure du tiers secteur soit comme on le dit maintenant multipartenAriale.
Quels sont les partenaires d’un tiers secteur ? Ceux qui vont y travailler et ceux qui vont bénéficier du halo sociétal, que ce soit des clients ou des bénéficiaires de l’institution ou de l’entreprise du tiers secteur.
Il faut qu’il y ait dans la structure de pouvoir aussi bien des salariés que des usagers ou des institutions bailleuses de fonds : la CAF par exemple si l’on s’occupe de l’aide à domicile ou des personnes dépendantes , ou la CPAM voire l’Office d’HLM. Il faut donc que le pouvoir soit mieux partagé.
Or, quand on regarde institutionnellement chacune des briques avec lesquelles on peut bâtir le tiers secteur, on voit que cela sera difficile à cimenter. Si vous partez de la Société Anonyme de Bienfaisance, ce sont des actionnaires. Si vous partez de l’association, vous n’avez pas le droit de mettre des salariés à la direction ou alors en nombre extrêmement limité, suite à la dernière instruction fiscale du 15 septembre 1998. Si vous prenez une SCOP, pour l’instant il n’y a que ses sociétaires, etc. Il va donc falloir introduire un peu plus de mixité dans le pouvoir, que ce soit dans les associations dans les coopératives ou dans les SA de bienfaisance.

Et le financement ?

Deuxième clé : l’argent. Une des très grandes fautes des promoteurs de l’Entreprise à But Social belge, c’est d’avoir laissé ce point en suspens. Ils ont d’abord créé l’institution puis ensuite ils se sont étonnés : " mais personne n’y vient alors que c’est extrêmement souple ". Il semble effectivement logique que personne n’y vienne s’ils ne savent pas quel avantage il y a à l’adopter.
On doit commencer par se demander : " D’où vient l’argent ? " Et j’ai dit tout de suite que l’argent viendrait, au moins en ce qui concerne la masse salAriale, d’abattements fiscaux ou de cotisations sociales qui correspondent à ce que l’Etat aurait dû, de toute façon, dépenser s’ils étaient restés chômeurs. On va donc accorder au moins pour la masse salAriale, des privilèges fiscaux et sociaux, justifiés par le ticket social.
Or, évidemment cela ne va pas suffire.
Prenons un exemple : Vous créez une petite coopérative, une association coopérative, qui va s’occuper de l’aide aux personnes dépendantes à la campagne. Chacune des personnes qui va faire cela aura au moins besoin d’une petite voiture pour faire son boulot. Si vous avez 20 personnes, 20 petites voitures. Il faut des fonds pour faire ça. Il faut du capital fixe, le capital fixe coûte de l’argent même au secteur associatif - coopératif. Vous allez avoir besoin de fonds propres même si le personnel était gratuit. Même si vous prenez le maximum de subventionne ment que permet la macro économie, cela ne suffit pas. La macro économie nous dit qu’un chômeur nous coûte au moins un RMI plus toutes les cotisations sociales qu’il aurait payées s’il avait travaillé. En supposant qu’il commence à travailler comme smicard, vous faites la somme des cotisations sociales d’un smicard plus un RMI, vous tombez sur le chiffre de 80 % d’un SMIC chargé et vous constatez que, comme par hasard, cela correspond à la subvention d’Etat aux emplois jeunes. Il reste quand même les 20 %. Il faut payer les petites voitures, la gestion puisque cela devient lucratif protestons parce qu’on va subventionner des institutions qui rapportent à des gens qui avancent du capital et qui dorment en attendant ".
Je crois qu’il faut faire un pas en avant supplémentaire, c’est de dire qu’il peut y avoir une lucrativité sociale admissible en direction des Cigales et de ce qu’on pourrait appeler des CODEVI du tiers secteur.
Dès l’instant que des gens investissent en vue de soutenir le tiers secteur, je crois qu’ils devraient avoir droit aux petits privilèges des CODEVI. Et même si je pense que la Cigale, parce que c’est un lien plus physique entre l’investisseur, membre de la Cigale, et une entreprise du tiers secteur à qui la Cigale prête de l’argent, est plus intéressante, je comprends également qu’on n’est pas forcément militant de sa propre épargne et c’est pour ça qu’une solution de type CODEVI me paraît tout à fait adaptée dans la plupart des cas.
Des instances de régulation
Dernier point : donc la frontière, les fameux casques bleus entre le premier, le deuxième et le troisième secteur.
Il faut voir que les conflits de frontières ne sont pas exactement les mêmes. Le conflit de frontière avec le premier secteur, soit en France avec le secteur public -je dis premier parce qu’en France l’Etat est premier, régalien, à la différence de l’Allemagne, et plus généralement des pays des droit germanique.

Alors la fonction publique, ennemie du tiers secteur ?

Sûrement pas du point de vue des dirigeants de la fonction publique qui n’hésitent pas à déléguer au mouvement associatif une partie de leurs tâches, mais peut-être du côté des agents et de leurs syndicats qui défendent ce qu’il considère être leur " boulot ".
Et ils n’ont pas tort car c’est bien cette mystique de rendre service à la société au-delà de sa fonction strictement dite - pensons à l’instituteur ou au cantonnier- qui est au cœur de la socialité de la IIIe République. C’est parce qu’il y avait des gens qui, tout en étant fonctionnaires, se sentaient des missionnaires de la République, qu’on a pu faire fonctionner un certain nombre de chose à cette époque. Mais, la question est : nos fonctionnaires se sentent-ils toujours des missionnaires de la République ?
Je ne le crois pas, et à mon avis ils vont plutôt dire : " Ce n’est pas notre boulot. ou si c’est notre boulot, on veut bien le faire à l’horaire syndical, au tarif syndical etc.. Et naturellement, recrutés par concours ". Et dans ce cas, on ne pourra pas recruter les habitants en difficulté pour faire fonctionner la cité comme le font, par exemple, les régies de quartier. Donc, la fonction publique, puisqu’on doit garder des formes de régulation relativement rigides, ne peut pas assumer la plupart des tâches du tiers secteur.

Mais il y a aura évidemment des conflits de compétence comme du côté du privé, qui considère que l’associatif n’a le droit d’exister que là où lui n’irait vraiment pas mettre les pieds. Le problème c’est que tout évolue. Et que dès l’instant que le tiers secteur aura exploré quelque chose, le privé pourra dire : " Puisqu’il y a une clientèle, on y va ".
Prenons l’exemple du canoë kayak dans les Gorges du Tarn, au début c’était associatif. Aucun petit entrepreneur du coin n’allait acheter 5 kayaks pour les mettre au bord du Tarn. Complètement idiot. Ca a existé pendant des années, des décennies sous forme associative. Et puis les gens ont dit : " On va faire du canoë kayak pendant le week-end, on ne va pas se mettre dans une association pour faire ça ". Et comme ils ont commencé à râler en disant : " Si on se met dans une association, il faut prendre rendez-vous à l’avance, il faut s’inscrire ". On a vu des gens qui ont dit : " Puisqu’iI y a des gens qui viennent faire du canoë kayak sans avoir prévenu, on va acheter quelques canoë kayak et on va leur louer ". Voilà comment les choses évoluent.
Autre exemple : tout ce qui dans le tiers secteur fonde sa justification sur le fait que le client est insolvable. Mais attention car il n’y a alors qu’à le rendre solvable et le privé s’en occupera.
C’est exactement le modèle du logement social.
A l’origine, c’est une espèce de bouillonnement issu des " écologistes " de la révolution industrielle, qu’on appelait les hygiénistes, qui disaient que le capitalisme allait crever s’il continuait à maltraiter les gens dans les usines et dans les quartiers, qu’il fallait absolument raser les taudis insalubres et faire de beaux logements. Alors vous avez eu des gens venus soit de la franc-maçonnerie quand ils étaient laïques, soit du christianisme social, qui ont dit : " On va créer des sociétés anonymes pour bâtir des logements, mais évidemment cela ne va pas rapporter grand chose, donc on va demander des prérogatives fiscales". Leurs prérogatives fiscales, c’était que la rémunération externe, pour un actionnaire, était limitée à 2 % au-dessous de la rente perpétuelle donc un peu la logique Codévi, et d’autre part, à nouveau comme pour les SCOP, indivisibilité des réserves. Le HLM a fonctionné comme cela, avec des règles très strictes sur la lucrativité, compensées par des obligations sociales qui étaient très faciles à définir dans ce cas là. Il suffisait de dire à qui vous aviez le droit de louer et cela déterminait les bénéficiaires. Ainsi, les entrepreneurs du bâtiment, les promoteurs, qui faisaient du logement libre comme on disait, ne se sentaient pas brimés puisqu’ils n’auraient jamais pu louer des logements à des gens aussi pauvres. La ligne de démarcation était parfaitement tracée par une mesure simple : le plafond de revenus du locataire. En échange de quoi, il y avait des prérogatives. C’est comme ça qu’on a construit. Mais ça n’a quand même pas suffit : il a encore fallu "Emmaüs" etc...
Et en 1977, il y a eu le " Rapport Barre " qui expliquant : " L’aide à la pierre c’est fini, on passe à l’aide à la personne ". C’est à dire que, puisque la construction était terminée, il fallait s’assurer que les gens puissent payer leur loyer en leur donnant un complément : l’APL, l’Aide Personnalisée au Logement.
Ainsi, si le tiers secteur marchand justifie son existence uniquement en disant : " Il y a des gens qui ne pourront jamais payer si nous on paie la TVA, les charges sociales etc. Mais si on ne les paie pas, on peut leur fournir des services à bas coût ". Alors le privé répond : "Ecoutez, cette subvention implicite des dépenses fiscales que l’on vous attribue, donnez-la directement à l’usager, l’Aide Personnalisée aux Services à Domicile (APSD), donnez-la directement à l’usager et nous on y va ". Vivendi est tout à fait capable d’aligner des bataillons de femmes de ménage pour aller chez les personnes dépendantes. Oui, mais objection.
Si le privé s’en occupe, vous pouvez dire adieu au halo sociétal. Une entreprise privée, comme un jardinier de la fonction publique territoriale, n’a pas de temps à perdre avec une bagarre entre gosses, avec la petite vieille à qui il apporte son repas et qui a envie de bavarder une heure parce qu’elle crève de solitude, etc. Ce n’est pas son boulot. Si vous dîtes que l’aide aux personnes dépendantes à domicile est confiée au privé moyennant une APSD, vous aurez des livreurs de pizzas qui maximiseront, qui chronométront le temps de livraison des plats préchauffés. Le bouquin de Brigitte Croft, " Seul ", qui est vraiment la bible de ces professions, montre très bien que ce qui s’investit dans un repas, va bien au-delà de le mettre dans un four à micro-ondes, de le réchauffer, et de le manger tout seul devant sa télévision en caressant son chat, sinon il finira soit dans l’assiette du chat, soit directement dans le vide-ordures.
C’est un véritable problème. Pour vous donner une idée des chiffres : si vous avez une vieille maman qui est encore vaillante mais qui n’a plus toute sa tête, autant la laisser chez elle que de la mettre dans un hospice. Vous tenez à ce qu’elle reste chez elle et elle y tient parce que quand elle sera dans un hospice, elle va mourir assez rapidement. Cela coûte combien ?
Le tarif deuxième secteur, c’est 15 000F par mois pour une rotation de 8 heures. Si elle a besoin qu’il y ait toujours quelqu’un, c’est 3 rotations, donc 45 000 F. Comme c’est un travail relativement qualifié de s’occuper d’une personne, c’est le prix.
Ces 7 500 F plus les charges sociales, correspondent à 15.000F, ce n’est pas possible. Si vous vous dispensez de cotisations sociales, de TVA, etc., vous arrivez quand même à 7. 500 F. Si vous dites que la dame qui fait cela, parce que se sera toujours une femme, ne nous faisons pas d’illusions, a le droit en plus au reversement du RMI qu’elle aurait touché, cela tombe à 5 000 F. A ce moment là, la CNAM trouvera peut-être qu’il est plus utile de passer un contrat avec elle que d’envoyer la personne dans une institution où ça dépassera les 15 000 F.
Voilà donc comment se pose le problème. Je crois que le privé n’arrivera pas vraiment à envahir ce secteur, si on veut qu’il soit fait correctement. Le risque est qu’il soit fait sous la forme du livreur de pizzas ou de plats surgelés. Le privé qui a constamment besoin de se rentabiliser ne peut absolument pas produire le halo sociétal qu’on attend du tiers secteur.
Voilà le problème, d’un côté il faut absolument que le tiers secteur ait un droit social équivalent à celui des premier et deuxième secteur, de l’autre, il faut que le privé soit garanti que sous le nom de tiers secteur on ne vienne pas lui envahir son propre territoire, c’est à dire là où il n’y a aucun halo social, aucun halo sociétal.
On va donc devoir définir qui appartient au tiers secteur.
Pour cela, je propose une structure en trois niveaux :
Premièrement, la structure de contrôle c’est l’entreprise du tiers secteur elle même. Si dans son conseil d’administration il y a des usagers, des bailleurs sociaux, c’est elle qui dira : " Attendez, on est au service de tel quartier délaissé, on n’est pas là pour aller faire des travaux dans les quartiers résidentiels ".
Deuxième système déjà pratiqué par les SCOP, le contrôle par le secteur lui-même. Les SCOP disposent de moyens de contrôle qui permettent de distinguer une vraie SCOP d’une fausse.
En Italie, dans les fameuses coopératives sociales, on vous raconte en rigolant que le contrôle annuel de la SCOP, effectué par le mouvement des coopératives sociales sur les coopératives sociales, est beaucoup plus précis et régulier que celui fait par l’Etat ou le fisc. D’ailleurs, le fisc s’en contente très souvent.
Il y aura toujours des gueulantes : on ne peut pas compter uniquement sur les instances consulaires du tiers secteur. Il y aura des zones de frottement, il faudra déterminer si vraiment vous avez le droit de faire cela en bénéficiant de toutes les subventions que vous avez. Alors, ça peut être fait de façon extrêmement formelle : vous vous mettez en SCOP, vous avez droit à une dispense de taxe professionnelle parce que vous avez cumulé du capital social qui n’appartient à personne. Ca c’est une règle, à condition qu’on vérifie bien que c’est une SCOP.
Troisièmement, vous avez besoin, dans certains cas, de gens qui se réunissent pour juger. Je crois que les structures telles que les conseils qui se mettent en place, soit au niveau des bassins d’emploi, soit au niveau des conseils départementaux sur l’exclusion, pourraient être, par leur définition actuelle, des ébauches de ce que serait le juge de paix entre les 3 secteurs.
En conclusion, le tiers secteur n’est pas un résidu du passé, c’est au contraire quelque chose de moderne qui est appelé à occuper une part croissante de l’économie nationale au cours du prochain siècle.
1. Cette notion vient d’un livre de William Haten, ancien banquier, éditeur du Financial Time et devenu depuis un des conseillers de Tony Blair, " Stake-Holders Society " que l’on peut traduire par " La société de partenariat " . Dans lequel, il explique : " Notre société crève du fait qu’il n’y a que les Share- Holders, (les actionnaires) qui en bénéficient. Or la société doit être faite pour de multiples partenaires ("Stake-Holder"). Il faut que la société devienne "Multi Stake-Holders".
2. "Seul" de Brigitte Croft.


Les trois âges du tiers secteur

Quand on cherche à préciser ce qu’il y a de commun entre les diverses formes d’activités relevant du tiers secteur, on en vient forcément à s’intéresser à l’histoire des acteurs. Surtout quand ces acteurs eux-mêmes attirent votre attention sur le fait que le tiers secteur n’est pas né dans les années 80 mais vient de bien plus loin. Ainsi s’intéresser à l’archéologie du tiers secteur permet de mieux comprendre d’où il vient, à quoi il répond, quelle faille il vient combler.
On s’aperçoit alors qu’il y a eu un mouvement d’institutionnalisation d’un premier tiers secteur, à la fin du 19ème siècle, avec la grappe d’événements fondateurs que sont : la reconnaissance des syndicats, celle des coopératives, des mutuelles, des associations avec la loi de 1901,et de certaines sociétés anonymes d’entreprises de bienfaisance, ancêtres des HLM. 
Et pour comprendre cette émergence, on doit remonter à la Révolution de 1789 et à la loi Le Chapelier de 1791 qui a proscrit pour pratiquement un siècle l’existence de structures intermédiaires en France. C’est-à-dire que la représentation de la citoyenneté qu’a produit la Révolution de 89 est un ensemble dans lequel il n’y a que des individus qui sont reliés entre eux d’une part par l’Etat et de l’autre par le marché.
Quand la société allait de soi
C’est pourtant un modèle qui ne correspondait absolument pas à la réalité sociale de la fin du 18ème, même pas à celle de la France rurale des années cinquante.
En effet, dans cette France rurale, relativement peu de choses passaient par le marché ou par l’Etat. L’essentiel de la socialité continuait à "aller de soi " avec des habitudes et des institutions enracinées qui suffisaient à la faire marcher. Ainsi, dans un village, l’idiot du village, on s’occupait de lui et il avait une fonction sociale. Ainsi, s’il n’était pas trop déglingué, on pouvait lui confier un gosse pendant quelques heures.
Mais le tout premier pilier restait évidemment la famille, codifiée par le code civil napoléonien et consolidée comme la seule structure intermédiaire autorisée entre l’individu, l’Etat et le marché. Tellement bien institutionnalisée que les femmes n’ont pas tout de suite été reconnues comme individu ...
Il y avait aussi d’autres institutions qui marchaient très bien, qui assuraient l’insertion, l’aide aux pauvres ou un minimum d’éducation, qui étaient un peu une super famille : un ensemble d’institutions essentiellement liées à l’église. L’Etat ne s’occupait pas du social et le laissait à l’église.
Il faut bien comprendre que la bataille du 19ème siècle, de la République notamment, contre les structures intermédiaires, à l’exception de la famille, a été une bataille contre la formation du syndicalisme, du mutualisme, des coopératives et contre ce résidu d’église qu’était la congrégation. La loi de 1901 était en fait une tentative d’élimination des congrégations catholiques, mais ces dernières après avoir poussé des hauts cris, se sont assez facilement conformées au moule de la loi de 1901.
Ainsi donc à la fin du 190ème siècle est entérinée la béance ouverte par 1789 entre le secteur public et le secteur privé. Vous avez donc toute une série d’habitudes informelles et d’institutions formelles qui se créent avec les associations, coopératives, mutuelles, les résidus de congrégations et le syndicalisme. Ces institutions vont essayer de fermer cette béance pendant toute la première moitié du 20ème siècle.
L’après-guerre et l’Etat-providence
Arrive 1945 et un nouveau montage absolument fantastique se met en place avec l’Etat-providence et la sécurité sociale. La sécurité sociale rend d’une certaine façon obligatoire, et donc quasi étatique, une énorme partie des fonctions qui avait été prise en charge par l’associationnisme de la fin du 19ème siècle.
Cet état de fait provoque une espèce de crise ; tout le monde se dit : "Mais que va t’il nous rester à faire ? . Si c’est l’Etat providence qui s’occupe de tout, on n’a plus besoin d’œuvres sociales, et l’Etat va faire l’école, (il a déjà conquis presque toute l’école), et il est en train de se lancer dans une énorme politique du logement. Que va t’il rester au mouvement associatif ? Ce n’est pas la peine qu’il continue à exister ".
Mais le mouvement associatif va trouver une issue en se subordonnant d’une certaine façon au modèle de développement économique qui se met en place après la guerre et qu’on appelle le "Fordisme". Dans ce modèle c’est la grande entreprise et l’Etat qui vont incarner le couple privé/public : la grande entreprise paie des cotisations obligatoires, l’Etat les rassemble et les redistribue au malade, à la femme enceinte, au retraité, au chômeur qui accèdent ainsi à l’économie commerciale. Ce qui revient à ce qu’une sorte de secteur d’Etat absorbe toute une partie du tiers secteur.
Or, on constate que le mouvement associatif n’en est pas mort. D’une part, parce qu’il a fait son trou là dedans en se situant en sous-traitant de l’Etat-providence. C’est le cas des mutuelles qui vont occuper la partie non couverte de la sécurité sociale des personnes, des associations qui vont s’occuper de gérer toute une partie du secteur médico-social. Quant aux SCOP ou coopératives de production, elles vont carrément se fondre dans le moule du Fordisme(1) en essayant d’être encore plus compétitives, modernes, techniques, que la grande entreprise rationalisée. Il s’opère donc, une certaine normalisation où le vieux tiers secteur se met dans les marges internes du nouveau système tout en gardant silencieusement les quelques privilèges fiscaux et sociaux qu’il avait conquis auparavant, tels que des dispenses de cotisations sociales, de taxe professionnelle, ...
Cette sous-traitance normalisée n’a cependant pas suffi.
Après 1945 renaît un grand mouvement social associatif, à l’image de l’apparition d’Emmaüs qui est la manifestation que même l’Etat-providence laisse des trous. Il n’empêche pas que réapparaisse une libre association partie de la base - l’Abbé Pierre avait lancé sur les ondes un appel au mouvement associatif volontaire - pour essayer de combler les trous, cette béance entre l’Etat et le marché, toujours prête à s’ouvrir, que l’Etat-providence avait prétendu fermer.
Or, progressivement cette béance va recommencer à s’ouvrir. Y compris là où on pense être allé le plus vite : le logement social.
Une des toutes premières raisons, c’est la destruction par l’industrialisation et la modernisation elle-même, des formes de socialités spontanées que représentaient l’économie, la socialité villageoise et la famille. La famille se réduit, devient nucléaire voire monoparentale, puisque celle-ci représente aujourd’hui le quart des familles entraînant la disparition de tout un secteur de l’économie domestique.
Quant aux solidarités villageoises, elles se sont dissoutes dans l’enfermement des cités HLM. Sans dénigrer les fameuses "barres" qui ont parfois remplacé d’immenses bidonvilles comme à Nanterre, si elles constituent un progrès physique indéniable, elles ont en même temps entraîné l’enfermement individuel. Ce phénomène a été très bien étudié, par exemple, par Henri Coing qui a montré comment les premières tours HLM construites après-guerre dans les quartiers insalubres du 13ème arrondissement ont provoqué une vague de désespoir : les gens ne voyaient rien par leur fenêtre, alors qu’ils étaient habitués aux courées. Il a fallu remettre en catastrophe des balcons pour que les voisins puissent continuer à se parler dans les HLM du 13e arrondissement. Toute cette entraide populaire a été progressivement restreinte par la modernisation et une fois que les gens ont eu accès à la télé, à d’autres formes de socialité, et qu’ils ont renoncé à parler à leurs voisins, l’entraide était dissoute ... On pouvait même penser, au début des années 70, qu’avec la poursuite de la croissance, cela achèverait complètement de se dissoudre ; que l’ensemble constitué par le public, le privé et ce pont entre les deux qu’était l’Etat-providence, lui-même flanqué d’un mouvement associatif en position de sous-traitant, suffirait à créer une socialité d’individus n’ayant effectivement plus de rapports, qu’à l’Etat, compris comme un Etat-providence ou à l’économie marchande.
Le tournant des années 80
En réalité, cela ne s’est jamais passé.
De petites béances continuaient à apparaître. Dès le milieu des années 70 et surtout à partir de 1984 avec la renégociation de la convention UNEDIC, qui est le premier grand accord de régression explicite de l’Etat-providence on voit brutalement apparaître ce qu’on appelait à l’époque les " nouveaux pauvres ", c’est-à-dire des gens qui étaient couverts jusqu’alors par une forme quelconque d’Etat-providence et qui subitement ne l’étaient plus. Et c’est de ce moment que date le nouveau mouvement qu’on va appeler d’économie solidaire qui est en quelque sorte la troisième période.
Après le mouvement fondateur de la fin 19ème-début 20ème et la phase d’ajustement au Fordisme de l’après-guerre et des années de croissance, le retrait de l’Etat-providence inaugure une troisième époque.
Cependant, puisque les gens ont toujours besoin de se soigner, de vivre, etc... cela provoque évidemment, un nouveau boom de l’associationnisme. Mais cette fois, il ne s’agit plus d’une initiative qui crée davantage d’institutionnalisation, de formalité ou de formalisme d’Etat mais au contraire l’Etat se retire et, précipitamment, des gens se portent volontaires pour boucher les trous et des gens comme Bertrand Schwartz commencent à formaliser la manière dont on pourrait créer un nouveau statut de tiers secteur qui permettrait de boucher ce trou.
1.Le Fordisme est un mode de production et de répartition initié dans les usines Ford dès les années 30. Complété après-guerre par l’institution de l’Etat providence , il a constitué le modèle de référence dans l’ensemble des pays développés ; ce compromis organisé entre le capital et la travail a largement contribué à la croissance des trente glorieuses, c’est la financiarisation accrue de l’économie qui a entraîné sa rupture avec son cortège de difficultés, des nouveaux pauvres à l’exclusion d’une part importante de la population.
2. Henri Coing : titre de l’ouvrage à préciser.

en savoir plus

Sur le tiers secteur
Tiers secteur écologiquement et socialement utile : 3 questions à Alain Lipietz
Vert Europe - n°2 - mars 1999.
L’entreprise à but social - entretien avec Alain Lipietz
Participer - n° 563 - février 1999
Dans ce numéro, la revue des Scops consacre un dossier complet aux nouvelles formes d’entreprises et d’entrepreneuriat.
Bibliographie générale
La Société en sablier. Le partage du travail contre la déchirure sociale
La Découverte, Paris, 1996. Réédition augmentée en 1998.
Vert-espérance. L’avenir de l’écologie politique
La Découverte, Paris, 1993.
Berlin, Bagdad, Rio : le 21ème siècle est commencé
Quai Voltaire, Paris, 1992.
Les régions qui gagnent (co-édition avec G. Benko)
Presses Universitaires de France, Paris, 1992.
Choisir l’audace. Une alternative pour le 21ème siècle
La Découverte, Paris, 1989.
L’Audace ou l’enlisement. Sur les politiques économiques de la gauche
La Découverte, Paris, 1984.
La Crise (avec D. Clerc et J. Satre-Buisson)
Syros, Paris, 1983.

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