La Chapelle : Lettre ouverte à Monseigneur Le Gall, Archevêque de Toulouse

lundi 30 novembre 2009 dans Humeurs


Occupée depuis 1993, la Chapelle est un lieu d’expérimentation sociétale, politique et artistique. Plusieurs associations font vivre le lieu : L’Atelier Idéal, Planète en Danger, la Relâche, et les AMAPs. Ce lieu unique vient d’être vendu par l’Eglise à la mairie (qui a fait valoir son droit de préemption).

Voir en ligne : Le site de L’Atelier idéal

Monseigneur,

Toutes nos félicitations.

Après tant d’efforts, de tentatives, de manœuvres, de petits arrangements et de grands mensonges, d’intrigues de couloir et de bassesses courtisanes, l’Eglise vient enfin d’obtenir de la mairie de Toulouse qu’elle se positionne en acheteur d’un lieu réputé invendable.

Ce petit miracle vaut bien une lettre.

Une lettre de plus, un peu longue et certainement un peu plus amère que les précédentes. Une lettre à vous qui êtes encore, pour quelques jours, propriétaire de ce lieu connu des toulousains sous le nom de La Chapelle.
Une lettre qui restera sans doute, comme toutes les précédentes, sans réponse. Nous aurons tenté, jusqu’au bout, de vous parler franchement, directement et sincèrement ; mais avec vous, Monseigneur, comme avec votre prédécesseur, nous sommes contraints au monologue.

Il était une fois

Bruges. Début du XVème siècle

Un explorateur portugais du nom de Raphaël Hythloday raconte à un prêtre anglais ses voyages au milieu des océans. De ses découvertes, hélas trop méconnues aujourd’hui, il nous reste un petit livre d’entretiens que le prêtre eut la sagesse de consigner et de rendre publics.
Parmi ses découvertes, une île, celle d’Utopie. Fin lettré, le prêtre reconnut immédiatement l’origine de ce nom : Utopie du grec ou-topos, qui signifie non lieu.

Madrid Début du XXème siècle

Un prêtre espagnol a une vision : « des millions d’hommes et de femmes, répartis sur la terre dans tous les milieux sociaux, qui essaient de se sanctifier dans leur vie ordinaire, à partir de leurs occupations ordinaires. Des hommes et des femmes qui ne sont pas des religieux. » Il y vit l’œuvre de Dieu, opus Dei. Le prêtre rédige alors un fascicule d’aphorismes religieux.

Toulouse Fin du XXème siècle

Quelques utopiens découvrent une île oubliée au milieu de la ville, un non lieu abandonné où bâtir un atelier idéal. Ce non lieu, située au 36 de la rue Danielle Casanova, abrite les associations Planète en danger, L’Atelier idéal, l’A. M. A. P. Casanova et La Relâche qui lui ont redonné vie. Seize ans maintenant que La Chapelle accueille une expérience alternative qui fait aujourd’hui partie intégrante de l’histoire de la ville.

Une utopie à vendre

Vendredi 11 Septembre 2009 ces associations reçoivent la visite surprise de Nicole Belloubet, première adjointe au Maire, en charge de la Culture, qui leur annonce que « la chapelle Ste Jeanne d’Arc a été vendue ».

Le 6 Juillet 2009, les responsables du Temporel à l’Archevêché ont signé un sous-seing privé avec un particulier. Le 15 ils ont déposé à la mairie une Déclaration d’Intention d’Aliéner. In extremis, juste avant que n’expire le délai légal, l’équipe municipale saisit le dossier et choisit de faire préemption.
Aujourd’hui vos services sont en train de traiter avec ceux de la mairie pour conclure une vente dont nous regrettons d’être à nouveau exclus.

Et pourtant, Monseigneur, comme nous l’avions signifié le 2 février 2007 à Régis Boccard1, à Monseigneur Chioetto2 et à Antoine Navarro3 ; et comme nous vous l’avons rappelé dans notre courrier du 4 avril 20074 :

« Sachez que si demain, vous pouviez vendre le site de la chapelle Ste Jeanne d’Arc, nous pensons être des acquéreurs privilégiés compte tenu de notre investissement multiforme sur le lieu, de l’attachement que lui portent des milliers de toulousains que nous avons accueillis là et qui s’engageraient à nous aider à réaliser cet achat. Nombreux sont les amis de La Chapelle qui veulent soustraire ce lieu — ouvert sur la vie — aux appétits des promoteurs immobiliers, qu’ils portent ou non le masque du caritatif et du social.
Nous espérons vivement que vous n’engagerez aucune procédure de vente ou de cession du site de la chapelle Ste Jeanne d’Arc sans nous avoir rencontrés au préalable. »

Hélas Monseigneur, vous décidez aujourd’hui de vendre le lieu à un « particulier », pour qu’il établisse sur le site « une résidence privée ».

Monseigneur, l’Utopie est-elle vendable ?

Un historique indispensable contre la mémoire courte

1– 2006-2007 : L’attaque d’Habitat & Humanisme

Lors de votre prise de fonction dans cette ville, vous avez hérité d’une opération et d’une stratégie élaborées sous le magistère de votre prédécesseur Monseigneur Marcus. Il s’agissait déjà de vendre le terrain de cette chapelle, à l’époque à l’association Habitat & Humanisme.

Créée par Bernard Devert, ancien promoteur immobilier devenu prêtre, cette association chrétienne devait faire l’acquisition du terrain à un prix modique. L’antenne Midi Pyrénées d’Habitat & Humanisme avait pour mission de construire une Maison Relais en lieu et place de La Chapelle qu’elle entendait raser.
C’est grâce à l’indiscrétion d’une personne proche d’Habitat & Humanisme, scandalisée par les méthodes de cette association, que nous avons appris ce qui se tramait.
Face à la mobilisation de notre quartier, le premier projet fut remplacé par un second : construire des logements sociaux en lieu et place du jardin de la chapelle, pourtant déclaré inconstructible suite au combat des habitants du voisinage qui avaient obtenu son classement en espace vert…

Vous avez eu, Monseigneur, pour faire aboutir votre projet de nombreux soutiens.

Le soutien zélé de Marie-Michèle Claux, adjointe au Maire de l’ancienne équipe municipale, alors en poste au service de l’Urbanisme, qui accorda un Certificat d’Urbanisme (C.U.) en urgence à Habitat & Humanisme1. Alors que le délai moyen d’attribution d’un C.U. est de deux mois, Habitat & Humanisme reçu une réponse en quatre jours. La demande, déposée le 10 février 2006, fut traitée le 13 et obtint une réponse favorable le 14, soit trois jours avant que le POS2 ne devienne PLU3 et ne rende le jardin de la parcelle inconstructible.

Le soutien personnel de Françoise Hébrard de Veyrinas. Est-il besoin de rappeler l’influence de cette ancienne secrétaire d’Etat au sein de l’équipe municipale précédente et les liens privilégiés qu’elle entretenait avec l’Eglise ?4 Le 29 janvier 2007, lors d’une réunion publique, défendant le projet porté par Habitat & Humanisme, elle n’hésita pas à demander aux Enfants de Don Quichotte de l’aider, elle, à se débarrasser de nous, arguant que la chapelle était « squatté[e] par des gens qui font simplement des activités culturelles » (sic).

Ces soutiens que vous avez eu au sein de l’équipe municipale expliquent sans doute les « lenteurs » du service de l’Urbanisme à nous fournir les documents, pourtant publics, relevant de l’attribution du C.U. accordé à Habitat & Humanisme. Le service de l’Urbanisme a longtemps affirmé que ce C.U. était toujours en traitement… Nous nous sommes rendus six fois dans leur service, la réponse fût toujours la même. En décembre 2006, il fallut que nous demandions une attestation écrite certifiant la non attribution du C.U. pour que les services municipaux se rendent compte que ce dossier avait pourtant été traité et validé… dès février 2006 !

Ces projets bénéficièrent aussi d’un appui médiatique en la personne de Yann Bouffin, rédacteur à La Dépêche du midi. C’est à son initiative en effet que le journaliste Jean-Marie Decorse, sans avoir pris le moindre contact avec nous ni vérifié la moindre de ses affirmations, réalisa un article destiné à discréditer notre expérience et à vanter le projet d’Habitat & Humanisme sur le site5. Renseignements pris, il s’est avéré que cet article était effectivement une commande faite à Yann Bouffin par les milieux catholiques lyonnais qu’il a justement fréquentés. Est-il besoin de rappeler que le siège d’Habitat & Humanisme se situe à Lyon ?

Au fil des semaines, nous nous sommes donc retrouvés victimes d’une stratégie concertée qui mobilisa un réseau d’influence déterminé.

Avec cette vente, l’Eglise se débarrassait d’un bien encombrant, invendable et en tirait même quelques bénéfices.

Avec cette vente, Habitat & Humanisme réalisait une excellente affaire en achetant 1000 m2 de terrain au centre ville de Toulouse « cinq à six fois en dessous du prix de marché »6

Avec cette vente enfin une famille de pensée, au sein de l’Eglise et de la Mairie de Toulouse, entendait que cesse une expérience qui la dérange.

Scandalisés par ces méthodes et écoeurés par les liens que nous découvrions entre politique, Eglise et journalisme, nous avons dénoncé le trafic qui se tramait et qui devait conduire à la fin de l’expérience vécue au 36 de la rue Danielle Casanova.

Devant notre détermination Habitat & Humanisme choisit d’abandonner son projet ; l’ancienne équipe municipale, ne voulant pas prendre le risque d’un scandale à l’approche des élections, mit un terme à l’offensive. Quant à nous, nous sommes depuis sans nouvelles de vos services et de l’association Diocésaine.

2– Juillet 2009 : Nouvelle tentative de vente

Aujourd’hui vous décidez donc de vous séparer à nouveau de ce bien, en faisant fi de la clause testamentaire qui vous oblige, et voilà que la Mairie de Toulouse décide de s’en porter acquéreur.

Quelle situation cocasse…

— D’abord parce que vous ne pouvez pas ignorer que si l’Eglise n’avait pas élaboré une stratégie pour éviter la nationalisation de cette bâtisse en 1905 et soustraire ce bien à la volonté du peuple, cette chapelle serait déjà propriété municipale.

En effet, c’est bien pour échapper à la loi de la séparation des biens de l’Eglise et de l’Etat qu’elle devint la propriété de la Société Immobilière Toulousaine (S. I. T.) en 1909. Avec la loi du 29 avril 1926, l’Eglise put à nouveau gérer des biens par l’intermédiaire d’associations cultuelles. Le 20 décembre 1927 la S. I. T. fit alors une « attribution gratuite et sans frais »7 de cette chapelle à l’association Diocésaine, qui en devint alors propriétaire8. C’est bien pour prévenir un futur toujours incertain et pour que l’Etat ne puisse en aucune manière récupérer ce bien, que ce don fut assorti d’une clause résolutoire stipulant que ces immeubles « demeureront affectés au culte à perpétuité »9. L’Eglise voit loin.
Seulement voilà, l’Eglise n’avait pas prévu que la chapelle Ste Jeanne d’Arc, comme bien d’autres, verrait sa fréquentation diminuer. Après avoir été chapelle de secours pour la basilique St Sernin, elle finira par ne plus être utilisée. Elle devint un bien encombrant, inutile mais invendable.
Voilà comment hier l’Eglise s’est retrouvée bloquée par sa propre stratégie.
Voilà pourquoi aujourd’hui, comme nous l’a expliqué Antoine Navarro10, l’Eglise n’a pas de problème moral à contourner une clause qu’elle s’était elle-même fixée pour se protéger.
Pourtant c’est bien cette clause morale que l’Eglise a toujours évoquée pour s’interdire de signer un bail avec nous. Ainsi, dans un courrier daté du 3 septembre 1993, votre prédécesseur, Monseigneur Collini, nous expliqua très clairement que seule cette clause testamentaire s’opposait à la signature d’un bail entre l’association Diocésaine et l’association Planète en danger11.

Le 11 octobre 1993, malgré cette clause testamentaire, et tandis que Christian Audhuy (alors directeur du Temporel) nous assignait au tribunal, Monseigneur Collini choisissait de nous tendre la main12. A la demande de son supérieur religieux, Christian Audhuy vint alors traiter avec nous mais argua de la sacralité du lieu comme dernière barrière à notre légalisation, affirmant qu’il était en train de chercher à y remédier.
Depuis 16 ans nous attendons toujours que votre Eglise, Monseigneur, concrétise cette main tendue.
Aujourd’hui vous avez choisi de vendre. Ni la clause morale, ni la sacralité de la chapelle Ste Jeanne d’Arc ne sont donc plus de mise ; voilà pourquoi nous pouvons donc moralement nous considérer comme bailleurs de fait et par conséquent acquéreurs prioritaires.
Monseigneur, vous auriez dû nous avertir de ce changement ; d’autant que dans notre courrier du 4 avril 2007 nous insistions en vous disant que « si demain la clause testamentaire n’était plus invocable, nous pourrions entrer, enfin, dans une période de cohabitation sereine avec l’Eglise Catholique, établie sur des bases juridiquement solides. » Or vous n’en avez rien fait.

— Situation cocasse ensuite parce que vous affirmez aujourd’hui que si l’association Diocésaine « s’est résolue à céder ce bien » c’est parce qu’elle « ne pouv[ait] plus pratiquer son droit d’exercice au culte dans cette chapelle ». Quelle n’est pas notre surprise.

Ce n’est qu’après avoir épuisé toutes les voies diplomatiques et légales que Planète en danger a posé un acte d’occupation sans lequel, à la place de cette chapelle, s’élèverait aujourd’hui un immeuble de plus. Vous affirmez que vous vendez la chapelle parce que nous l’occupons, alors que nous l’avons occupée parce que vous alliez la vendre.
En 1992 le lieu était dans un état de délabrement extrême. Nulle effraction pour pénétrer à l’intérieur de cette chapelle, les brèches béantes de ses murs suffisaient. Avant que Planète en danger n’occupe le lieu deux personnes en déshérence ont d’ailleurs vécu pendant une longue période sous un plafond, celui de la nef, qui menaçait de s’effondrer. L’abbé Jougla, en charge de cette chapelle, avait même obtenu des services municipaux de l’époque la condamnation de la canalisation d’alimentation en eau sur la parcelle13.
Non seulement le diocèse n’entretenait plus la chapelle mais il semblait attendre que les intempéries viennent à bout de la toiture, le dégageant —par cas de force « naturelle »— de la clause testamentaire.
Notre installation sur cet espace s’est donc faite au prix d’un important investissement humain et matériel de nos associations. Des milliers d’heures de travail et des milliers d’euros ont été consacrées à sécuriser, réparer, améliorer, embellir l’ensemble du site. La maison attenante à la chapelle était dans un état si désastreux que personne ne pouvait seulement y dormir. Elle aussi a été remise en état et loge aujourd’hui gracieusement un membre de nos associations qui veille, en contrepartie, au respect des règles de vie sur le site ce qui nous permet de vivre en harmonie avec le quartier.

En somme, c’est donc bien par notre action que vous pourriez demain, si vous le désiriez, célébrer une messe dans cette chapelle ; d’autant que nous n’avons apporté aucune modification à l’édifice susceptible de compromettre sa vocation d’origine.
Sollicités par plusieurs habitants du quartier, en particulier par Madame Pommart, membre de « l’association de maintien des vieilles toulousaines », ou par Claude Sicre nous avons même évoqué plusieurs fois l’éventualité qu’un office se tienne dans cette chapelle…

— Situation cocasse enfin parce qu’en 1993 l’association Diocésaine est allée jusqu’à demander à la Mairie de Toulouse de l’exproprier de ce bien.

Monseigneur, voilà que vous y êtes enfin arrivé ! La Mairie de Toulouse a changé de bord et vous faites une nouvelle promesse de vente. Simple coïncidence ou bel hameçon ? La nouvelle équipe municipale pouvait-elle faire autrement que de préempter ? En tout état de cause, voilà que sans scandale et sans vagues vous allez réussir à vendre aux toulousains, et sans doute à bon prix, une chapelle que l’association Diocésaine a pourtant acquise gratuitement.

Et aujourd’hui…

Aujourd’hui, nous découvrons un visage municipal plus humain. Depuis seize ans c’est la première fois en effet que la ville de Toulouse porte une réelle attention à notre action et s’inquiète de voir cette parcelle mise en vente et l’expérience qui s’y vit menacée.
C’est la première fois que la mairie de Toulouse nous demande qui nous sommes et ce que nous faisons en ce lieu. Avant, rien…, si ce n’est quelques projets d’élus comme celui par exemple de Jacqueline Baylet qui, sans nous consulter bien entendu, avait imaginé faire de cette chapelle une annexe ou un local pour la maison de quartier Arnaud Bernard.

Mais vous, Monseigneur, quand avez-vous cherché à savoir qui nous sommes ?

Le 14 décembre 2006, nous avons demandé à Antoine Navarro de vous dire que nous sollicitions d’urgence une entrevue avec vous. En vain.
Le 14 janvier 2007 deux membres de notre association sont venus vous rencontrer lors de la Fête des peuples pour vous remettre la charte de notre association et solliciter auprès de vous un entretien. En vain.
Le 4 avril 2007 nous vous avons écrit une lettre dont nous reprenons ici de nombreux extraits. En vain.
Le 16 juin 2007 l’A. M. A. P. Casanova vous écrivait à son tour. En vain.

Et pourtant, Monseigneur, nous aurions pu parler, avec vous, de ce qui se vit dans votre chapelle, des rencontres qui s’y sont réalisées.

Nous aurions pu parler avec vous des milliers de personnes à qui ce lieu permet de vivre des moments importants, de se retrouver, d’échanger, de s’exprimer, d’apprendre à faire ensemble.

Nous aurions pu parler avec vous de ces centaines de troupes, de compagnies, d’artistes à qui ce lieu permet de s’exprimer, de chercher, de se tromper, de créer.

Nous aurions pu parler avec vous de ces centaines d’associations auxquelles ce lieu permet de s’informer, d’interroger le monde, d’agir et de réagir à tous les phénomènes de société.

Nous aurions pu parler avec vous de l’échange, de la rencontre, du questionnement, du don de soi qui sont au cœur de nos préoccupations.

Nous aurions pu parler avec vous de ces dizaines d’événements qui ont contribués et contribuent à aider les hommes à vivre en paix avec eux-mêmes et avec les autres.

Nous aurions pu simplement vous renvoyer au Guide du routard Toulouse :

La mémoire d’un lieu

C’est Jiri Volf, SDF-poète, clochard mystique qui baptisa la chapelle L’Atelier idéal.
Sa mémoire nous intéresse ; sa vie nous interpelle ; ses poèmes nous parlent, sa galère aussi, sa difficulté à être, l’impossibilité qui fut la sienne à trouver sa place dans le monde.

La Chapelle est un lieu de vie qui ne perd pas la mémoire, la mémoire des hommes, la mémoire d’une ville.

En 2006 nous avons rendu hommage aux exilés et aux vaincus de la guerre d’Espagne, ceux qui ont défendu nombre des idéaux qui nous animent. Ce n’est pas un hasard de calendrier, Monseigneur. Toulouse est la capitale de l’exil républicain. En tant que toulousains nous sommes fils et filles de ces idéaux que nous mettons en actes aujourd’hui.
En 2006 l’Eglise de Toulouse sous l’autorité de votre prédécesseur, Monseigneur Marcus, élaborait avec Habitat & Humanisme une stratégie de vente de La Chapelle. A la même époque Monseigneur Marcus fut aussi le premier archevêque de France à célébrer une messe hommage au prêtre espagnol qui créa l’Opus Dei, cette « milice » de Dieu qui a soutenu la « croisade » franquiste et la « junte » chilienne.

Quelle est donc cette mémoire que l’Eglise choisi de célébrer ?

Quelle est donc cette mémoire que l’Eglise choisi d’effacer ?

L’île dont parle Raphaël Hythloday au prêtre anglais est-elle trop lointaine pour l’Eglise Monseigneur ?

Sur cette île nous avons pourtant croisé la route de certains hommes d’Eglise…

Le Cardinal Saliège, archevêque de Toulouse, fut l’un des rares prélats de France à appeler officiellement au devoir de résistance. Sur la seule foi des paroles de l’avocat communiste Charles Lederman qui l’informa de la situation des juifs de France, Monseigneur Saliège rédigea la fameuse lettre pastorale du 23 août 1942 et s’engagea dans des actes de résistances. Sans doute l’aurions-nous acclamé, nous aussi, comme ces milliers de toulousains à la libération place du Capitole.
C’est le même que Robert Brasillach accusera pourtant d’une « révolte quasi-ouverte contre l’ordre nouveau ».

Monseigneur Collini, archevêque de Toulouse, fut l’un des rares évêques de France à s’opposer à la guerre du Golfe en 1991. Pour cette prise de position nous le respections profondément et ce bien avant qu’il ne nous autorise à vivre l’expérience de L’Atelier idéal. Porteur de valeurs humanistes, le prélat fera fi des contingences matérielles de l’association Diocésaine qui nous avoua plus tard ne pas avoir compris « pourquoi il [nous] avait laissés dans cet endroit14 ».
C’est le même qu’Armand du Pradier d’Agrain15 fera passer pour un « inconséquent » et un « doux rêveur » comme il le déclara à un membre de notre association.

Aujourd’hui, Monseigneur, quel archevêque serez-vous ?

Le prêtre anglais qui décrivit au XVIème siècle l’île d’Utopie a été béatifié en 1886. Il s’appelait Thomas More et fut canonisé en 1935. Il est aujourd’hui le saint patron des hommes politiques.

Le prêtre espagnol qui créa au XXème siècle le mouvement de l’Opus Dei a été béatifié en 1992. Il s’appelait Josémaria Escrivá de Balaguer, et son mouvement fournit de nombreux ministres au gouvernement franquiste. Il a été canonisé en un temps record le 6 octobre 2002. De qui est-il le saint patron ?

Ces deux prêtres sont deux visages d’une même Eglise.

A Toulouse, capitale de l’exil républicain, vous êtes le premier archevêque de France à nommer à la tête d’une paroisse au sein d’une grande ville (celle de La Dalbade) un prêtre membre de l’Opus Dei, participant ainsi activement à l’institutionnalisation en France de ce mouvement qu’un pays comme la Belgique assimile à une secte.

Monseigneur, pourquoi n’avez-vous pas voulu tolérer dans une de vos chapelles l’aventure utopique et libre de L’Atelier idéal ?

Quoiqu’il en soit, si les choses suivent leur cours, dans quelques jours enfin, nous saurons à quel prix vous avez choisi de vendre l’Utopie.

Nous vous prions de croire, Monseigneur, à défaut d’une proposition de vente de votre part à la sincérité de nos adieux.

Pour l’Atelier Idéal
Le président

Pour Planète en Danger
Le président

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