Télévision, le contrôle social chez soi

lundi 24 août 2015 dans Humeurs


texte glané sur Infokiosk ( http: //www.infokiosques.net ).

DECROCHONS !

Je n’ai qu’une vie. Je ne la regarderai pas passer, par procuration, comme un zombie, devant un poste de télévision. Je veux me sentir exister, furieusement. Je veux ressentir le bonheur, la tristesse, intensément. Je veux percevoir le chaud et le froid, les parfums et la sueur, les rires et la fatigue, sans écran. L’assommoir télévisuel, cette camisole à mon énergie, cet étouffoir à sentiments, ne m’anéantira pas. Je veux tout, je n’attends rien, le monde s’offre à moi.

La moyenne quotidienne de télévision par Français est actuellement de 3 heures 20. Après une journée de travail et plus de trois heures devant le poste, le temps consacré à la vie sociale, civique, à la création... ne peut être que marginal, sinon inexistant. La critique de la télévision ne peut donc se limiter à son contenu et doit le dépasser pour s’interroger sur le média en tant que tel. La télévision constitue un miroir pour notre société. Le briser ou le condamner ne changerait pas le visage de notre civilisation. " Changeons, et la télé changera ". Eteignons-la, et la vie commencera.

Mais vivre, c’est difficile. Il est tentant de chercher à échapper à la condition humaine. Cocaïne, héroïne et haschisch demeurent des moyens prohibés pour atteindre des paradis artificiels. Prozac, alcool et télévision permettent, eux, de fuir la réalité sans enfreindre la loi.

Si nous devions classer comme drogue un produit synthétique inhalé entrainant une dépendance, la télévision n’entrerait pas dans cette catégorie. Pourtant, sans apparente action chimique, la télévision conduit à des phénomènes d’assujettissement comparables à ceux liés aux drogues dures. Voici plus de dix ans, une équipe d’un hebdomadaire de télévision proposait dans un quartier à des volontaires de rendre leur poste pendant une semaine. Seule une minorité de candidat-e-s parvinrent au bout des sept jours sans avoir récupéré leur précieuse boîte. Certain-e-s ne tinrent pas une journée. D’autres, honteux et honteuses, louèrent des postes en cachette.

La télévision a ceci de particulier par rapport aux autres médias qu’elle laisse son spectateur totalement passif. A aucun autre moment de notre existence, nous ne sommes aussi inertes, même dans nsotre sommeil, car les rêves y sont le produit de notre imagination. Contrairement au cinéma, où la lumière est projetée sur une toile, le poste de télévision la projette directement sur la spectatrice ou le spectateur. Le scintillement de l’image engendre un phénomène hypnotique.

Nous regardons la télévision. Nous l’écoutons peu. L’image y est reine, et la forme prime tout. Le pouvoir y appartient aux apparences. Ne pas être conscient de cette règle de base peut conduire à desservir son propos pour celui qui est amené à y figurer. A la télévision, on est manipulé ou on manipule.

La télévision est un prisme. Elle nous évite de réfléchir, de nous poser des questions existentielles. Elle nous évite de les accepter det de les affronter. A force de fuir dans l’illusion au travers de cette glace, nous devenons incapables d’affronter la réalité qui se trouve derrière la fenêtre. C’est en fin de compte un véritable refus de la vie.

TRAVAILLER, DORMIR ET... REGARDER LA TELE

Le texte qui suit est constitué d’extraits de la préface du livre Nouvelles et dessins contre la télé, paru aux Editions Reflex. Il montre le poids écrasant de la télévision sur la vie des gens et sur la société, il analyse aussi la manière dont le petit écran pénètre les esprits, chloroforme, isole, influence, impose ses lois...

Après l’exercice d’une activité professionnelle et le sommeil, regarder la télévision constitue la troisième occupation des occidentales et des occidentaux. Elle est, et de loin, la première des activités domestiques. On y passe en moyenne trois heures par jour en France, quatre heures aux Etats-Unis.

Au fil des décennies, la télévision a pénétré dans la plupart des foyers. En 1970, en France, 32% des ménages ne possédaient pas de poste ; en 1977, 13 % ; aujourd’hui ce chiffre est tombé à 5 %. Aucun appareil ménager n’avait réussi à s’introduire dans les foyers aussi rapidement et aussi massivement. D’ailleurs, sa présence ne surprend plus du tout ; bien au contraire, c’est son absence qui étonne, et qui suscite parfois des inquiétudes. La grande majorité de la population ne se pose même plus la question de savoir pourquoi avoir un téléviseur. Les interrogations portent plutôt, pour une extrême minorité, sur l’intérêt de ne pas en avoir un.

Cette conquête des esprits se traduit aussi par une présence physique particulière. Dans la plupart des foyers, le téléviseur a un statut exceptionnel. Il trône, à la meilleure place, dans la pièce principale. L’agencement de la salle de séjour se fait en fonction du poste et non pour former un cercle convivial. Cette pièce, à l’origine lieu de rencontre structuré pour permettre l’échange entre individu-e-s, s’est transformée en salle de projection. Cette configuration se retrouve partout où la télévision s’est imposée. Le philosophe Jean-Jacques Wunenburger le constatait (1) : "Premier agent de la mondialisation des moeurs, elle suscite un ensemble quasi rituel de comportements uniformes, quels que soient les environnements et les messages visuels : disposition du mobilier, assemblée de spectateurs et spectatrices orienté-e-s vers la source lumineuse, horaires contraints par un spectacle généralement programmé à heure fixe, etc." Beaucoup allument leur télévision comme on ouvre un robinet d’eau, par simple habitude. En 1990, une étude nous apprenait "qu’elle était si intégrée au quotidien que le fait d’allumer ne paraît pas constituer dans la majorité des foyers une réelle décision correspondant à un véritable choix ! D’ailleurs, même les moments censés favoriser la discussion sont altérés ; dans une enquête, 62,8% des enfants déclaraient que la télévision fonctionnait pendant le dîner. La télévision reste parfois allumée en permanence, des gens la regardent, sans en avoir la volonté, par automatisme. Centralité, omniprésence, diktat, la place du petit écran a des conséquences dramatiques.

La télévision isole, renferme, aliène

Elle a largement participé au mouvement de repli sur soi qui s’est développé depuis l’avènement de la société de consommation. On ne peut cependant pas la considérer comme l’unique responsable de cette atomisation. Le triomphe du libéralisme, et ses effets sur la place et le rôle de l’individu-e dans une société explique ce repli sur la sphère privée. Les effets de ces processus d’éclatement ont réduit les liens sociaux, qui ne se tissent plus que dans le cadre du travail, et qui, avec l’émergence de la production post-fordiste, disparaissent totalement. La plupart des individu-e-s s’enferment dans leur cocon, protégé-e-s du reste du monde, comme l’explique le sociologue Daniel Bougnoux : "Nous demandons à la télé de nous mettre dans un état de relaxation qui permet sans bouger de chez nous et sans avoir à faire face à l’horrible monde et aux horribles "autres", de vivre ensemble séparément, d’avoir le monde chez soi. Cette vitrification de tout ce qui peut arriver (la télé est d’abord une vitre) permet d’avoir la jouissance de la stimulation sensorielle mais de façon filtrée et amortie." Enfermé-e dans son petit confort, captivé-e par la tube cathodique, la passivité s’installe.

Le lien qui unit le/la téléspectateur/rice à son téléviseur est de nature hypnotique. Regarder cette lucarne bleutée met en sommeil l’intellect, ramollit physiquement, et contrairement à ce que l’on pense communément, ne repose pas du tout. Elle fonctionne comme un anesthésiant dont on dépend très rapidement.

Le téléspectateur ou la téléspectatrice perd sa capacité, son pouvoir personnel de réflexion. Si on se réfère à la définition du terme aliénant : "l’individu perd la libre disposition de lui-même" (Petit Robert), on peut affirmer que la télévision aliène. Son fonctionnement coupe systématiquement l’individu-e de sa pensée.

Le flux continuel d’images interrompt et empêche la communication et la réflexion. L’incessant déversement de programmes suscite une adhésion immédiate, qui génère le silence. Marie-José Mondzain explique ce processus (3) : "Quand on est privé de la possibilité de faire la différence entre ce qu’on voit et ce que l’on est, la seule issue est l’identification massive, c’est-à-dire la régression et la soumission". Le réel devient ce que l’on voit. Or, s’il n’y a pas de distance entre le réel et le vu, il n’y a pas de jugement possible, donc plus besoin du politique. La réalité devient nôtre, pourquoi la changer ? Car c’est bien, comme l’explique M.J. Mondzain "cette résistance au réel qui suscite la pensée et qui incite les humains à se rassembler." La télévision engendre donc une dépolitisation du monde. L’individu-e est réduit-e à l’état de client-e et de spectateur/rice, comme l’avait pressenti Guy Debord dans Commentaire sur la Société du spectacle lorsqu’il écrivait "celui qui regarde toujours pour savoir la suite n’agira jamais." L’individu-e est convaincu-e de son impuissance face à son époque. La réalité de l’ordre établi s’impose alors d’elle même, immuable.

Une vie par procuration

Toutes ces heures passées devant le petit écran donnent à la téléspectatrice ou au téléspectateur l’impression d’être dans la réalité. Et plus les chaînes se multiplient, plus elle/il a le sentiment d’avoir accès au monde. Dans L’image publicitaire à la télévision, José Saborit va encore plus loin (4) : "Notre regard a été lesté du poids inévitable de l’expérience télévisuelle et les mécanismes de vérification sont inversés". Les expériences réelles - la vie en somme - infirmeraient ou confirmeraient les "vérités" de la télévision.

Elle fabrique la réalité, comme l’explique Jacques Ellul dans Le bluff technologique : "Il n’y a pas vraiment d’information à la télévision, il n’y a que la télévision. Un événement ne devient nouvelle que si la télévision s’en empare", et "sitôt que la télévision ne montre plus rien sur la question, il n’y a plus de question. C’est bien cela qui signifie que c’est la télévision elle-même qui est le message [...] et nous sommes seulement des consommateurs/ices d’information". Actuellement la télévision a pris une telle importance dans nos sociétés que le réel correspond pour la majorité de la population (70% des personnes ont pour seule source d’information la télévision) à ce qu’elle retransmet.

L’évènement, pour exister, doit être diffusé ; ceci a des conséquences - comme nous le verrons ultérieurement - sur le déroulement même de cet évènement. N’est alors visible, et comme nous venons de le montrer réel, que ce qu’on veut bien nous montrer.

Les images, contrairement à ce qu’elles tendent à faire croire, résultent d’une série de choix : de la journaliste qui décide de se rendre à tel endroit, du cameraman qui filme telle scène, de la monteuse qui sélectionne telle partie, etc. Ces choix s’opèrent en fonction des opinions, des aspirations et de la structure dans laquelle travaille le ou la journaliste. Et une image n’a de sens que dans un contexte particulier.

Pourtant, on présente les images comme objectives. Elles donnent l’impression au téléspectateur ou à la téléspectatrice qu’il/elle assiste à l’événement et que ce qu’il/elle regarde est la réalité. il/elle n’a pas la possibilité de distanciation par rapport aux messages qui lui sont assénés. L’image télévisuelle ne laisse aucune place au recul et à la réflexion.

Le danger n’est pas tant de donner une vision subjective du monde que de se présenter comme objective, voir même sacrée. Alors que, comme l’écrit M.J. Mondzain : "Tout est transmis sur le mode de la participation à une réalité, en dissimulant qu’il y a des appareils, un montage, un ensemble de contraintes qui font que, sur place, on n’aurait certainement pas vu la même chose." Elle appelle ça "l’effet balcon". C’est-à-dire un effet qui donne à croire que ce que l’on voit au travers du petit écran est la réalité, dont la téléspectatrice ou le téléspectateur serait témoin. Il/elle n’assiste en aucun cas à un événement mais à une de ses représentations. Et avec les images, le travail de compréhension de la partie non visible devient très difficile. La télévision occulte, par son principe même, l’analyse. Le téléspectateur ou la téléspectatrice intègre et fait sien-ne d’autant plus facilement ce qu’on lui présente qu’il/elle ne dispose pas de moyen pour élaborer une pensée, et donc, un autre discours. Voir ne permet pas de comprendre. L’abondance de l’information, le déferlement des images fausse la réalité bien plus qu’il ne permet d’en saisir la complexité. M.J. Mondzain résume parfaitement cette idée : "L’exercice de la liberté ne naît pas d’une accumulation. Ce n’est pas : plus je vois des choses, plus je comprends, mais toujours : plus je pense, mieux je comprends."

Un modèle hégémonique

En quelques décennies, la télévision est devenue le média dominant. Elle a peu à peu occupé l’espace en reléguant les autres médias à des fonctions subalternes. Mais sa force et son hégémonie dépassent le cadre de cette concurrence. C’est sa vision de l’information - voire du monde - qui s’est imposée. Les autres médias ainsi que d’autres domaines ont intégré, parfois pour pouvoir survivre, les valeurs et les normes du petit écran : fascination pour l’image, pour le spectacle, urgence, recherche de scoops, brièveté, superficialité, conformisme, idées reçues, jeu avec l’émotion, etc. Pierre Bourdieu, dans son opuscule Sur la Télévision, décrit ces mécanismes. Il montre comment "par sa puissance de diffusion, la télévision pose à l’univers du journalisme écrit et à l’univers culturel un problème absolument terrible. [...] Par son ampleur, son poids tout à fait extraordinaire, la télévision produit des effets qui, bien qu’ils ne soient pas sans précédent, sont tout à fait inédits". Si nous prenons le cas de la presse écrite, nous nous rendons compte de l’impact de la télévision. La grande presse a abandonné son rôle intellectuel pour se positionner sur le terrain de la télévision. Elle privilégie le spectaculaire, l’émotion, les faits divers et les questions relatives aux problèmes quotidiens. Aucun thème ne deviendra prioritaire si la télévision ne s’en empare pas. Bourdieu s’en inquiète : "Mais le plus important, c’est qu’à travers l’accroissement du poids symbolique de la télévision et parmi les télévisions concurrentes, de celles qui sacrifient avec le plus de cynisme et de succès à la recherche du sensationnalisme, du spectaculaire, de l’extraordinaire, c’est une vision de l’information, jusque-là reléguée dans les journaux dits à sensation, voués aux sports et aux faits divers, qui tend à s’imposer à l’ensemble du champ journalistique". La classe politique a rapidement compris l’intérêt qu’elle pourrait retirer d’une bonne exploitation de la télévision. Le petit écran est devenu l’élément central de la vie politique. Il lui a dicté ses règles. Le débat politique, qu’une minorité s’était déjà accaparée, est désormais proche de zéro, fait de petites phrases, de déclarations tonitruantes, de comportements mis en scène pour séduire. Il faut persuader devant la caméra, avoir des idées simples, faciles à expliquer... Les stratégies politiciennes s’élaborent avant tout en fonction des impératifs télévisuels. Pire encore, la télévision a la prétention d’occuper tout l’espace des débats. Elle traite de tous les sujets avec solennité. Elle voudrait investir tous les domaines de la société. Bourdieu le souligne : "Le phénomène le plus important, et qui était assez difficile à prévoir, c’est l’extension extraordinaire de l’emprise de la télévision sur l’ensemble des activités de production scientifique ou artistique.’

On retrouve son hégémonie dans la production cinématographique. Désormais chaque réalisateur ou réalisatrice de films de fiction, et encore plus de documentaires, doit tenir compte du passage à la télévision de son oeuvre. Il en va, la plupart du temps, de la survie d’un projet. Cette mainmise entraîne une normalisation effrayante de la production audiovisuelle et assoit encore un peu plus les pouvoirs de la télévision et de ses règles sur l’ensemble de la société. Tout instrument d’enregistrement agit sur ce qu’il enregistre. Seulement la télévision en devenant la référence est désormais "l’arbitre de l’accès à l’existence sociale et politique." Ce qui la rend extrêmement dangereuse.

Cdric et Jean-Claude

(1) Télérama, 15 octobre 1997. / (2) Sciences et Avenir, février 1998. / (3) Le Monde, 8 septembre 1998.

TELEVISION ET ENFANCE

Actuellement beaucoup d’enfants grandissent devant un écran. Avant même de savoir lire, ils/elles ont passé des milliers d’heures devant la télévision. Ce qui a bien évidemment des répercussions importantes sur la vie de l’enfant, sur son développement personnel et sur sa socialisation.

Une place que personne ne conteste

La télévision est devenue le média principal des enfants : "30% d’entre elles/eux restent collés jusqu’à 3h28 par jour devant le petit écran ! A deux ans, la plupart des bambin-e-s savent allumer le poste et à trois ans ils/elles regardent la télévision tous les jours, selon une étude réalisée par le centre international de l’enfant" (1). La luminosité de l’écran attire le bébé dès les premiers mois, il/elle s’approprie donc très tôt l’appareil télé qui devient souvent sa distraction préférée.

Trop souvent, allumer le poste devient un réflexe, une habitude dont il sera difficile de se défaire à l’avenir. L’écran retient l’enfant et l’accapare. Ce n’est donc pas tant la qualité des émissions qui sont en cause mais la place occupée par la télévision. D’ailleurs, nous rejoignons Bruno Bettelheim lorsqu’il écrit : "La télévision est un média fait surtout pour distraire ; elle ne se prête pas facilement à l’exercice d’un jugement équilibré, à l’examen de tous les "pour" et "contre" relatifs à une question. On ne saurait attendre d’un média ce qui est contraire à sa nature. Les informations provenant des émissions de télévision tendront toujours à être unilatérales, biaisées et simplifiées. C’est pourquoi un-e jeune enfant ne peut pas apprendre grand chose en regardant même les meilleures émissions, même celles faites pour son âge. Son expérience de la vie est trop limitée."

Par son hégémonie dans les loisirs de l’enfant, le tube cathodique l’empêche de se consacrer à d’autres activités plus enrichissantes et indispensables à sa formation et à son développement personnel. Les adultes qui forment l’entourage de l’enfant sont souvent responsables - consciemment ou pas - de cette situation. Aujourd’hui posséder un téléviseur et le regarder est devenue la norme. Liliane Lurçat, chercheuse au CNRS, explique que changer ces comportements risque d’être difficile car "la génération des parents actuels a été élevée avec la télévision. Ils n’ont rien connu d’autre, contrairement à d’autres parents qui pouvaient imaginer une vie sans la télé" (2). Et pourtant...

Quelques conséquences

Comment peut-on prétendre que rester si longtemps devant un écran n’a aucun effet ? L’attirance que ressent le téléspectateur ou la téléspectatrice s’explique par son effet hypnotique. "Enfants et adultes subissent une véritable fascination par l’image et par la parole. Lorsque le téléspectateur est devant le poste, il ne peut plus s’en détacher. Ce comportement est particulièrement impressionnant chez l’enfant, puisque la télévision est la seule chose qui immobilise le/la petit-e enfant, personne très active dans d’autres circonstances" a constaté Liliane Lurçat (3).

Son abus n’est pas sans conséquences et peut entraîner maux de tête, troubles du sommeil, crises d’angoisse, influencer le comportement alimentaire, augmenter le stress, l’anxiété, diminuer la concentration... Face à ce flux incessant d’images, l’enfant n’a pas le temps d’assimiler ou de contrôler ce qu’il/elle reçoit. Ce véritable bombardement qui agit sur sa sensibilité et ses émotions peut modifier son équilibre psychologique.

La télévision propage une sous-culture qui imprègne les jeux et les comportements des enfants. L’imaginaire enfantin se trouve envahi de références télévisuelles : publicités, dessins animés, séries... Elles le/la détachent de la réalité à un âge où l’expérimentation et la découverte par soi-même sont essentiels. D’après Bruno Bettelheim, ils/elles "deviennent incapables de s’adapter à la réalité par apprentissage parce que les situations réelles sont plus compliquées que celles que leur présente la télévision [...] L’enfant conditionné-e par la télévision est habitué-e à recevoir des explications, il/elle n’a pas appris à les chercher lui ou elle-même. Le danger de la télévision réside dans cette incitation à la passivité, cette fuite devant l’initiative personnelle qu’exige la réalIté, beaucoup plus que dans le contenu inepte ou macabre des programmes." (4) Elle suscite un comportement passif quel que soit le programme, et comme le soulignent R. Blind et M.Pool, "nous sommes alors beaucoup plus perméables à la suggestion et devenons incapables de certaines formes d’activités comme la critique ou tout simplement éteindre le poste. Ce phénomène atteint particulièrement les jeunes enfants que l’immaturité intellectuelle et affective rend d’autant plus vulnérables." (5)

La télévision diffuse des représentations conformistes et uniformisées. Elle "cadre" l’imagination et ne laisse aucun espace pour 1’originalité et la personnalité des jeunes téléspectateurs et téléspectatrices. En investissant littéralement tous ces espaces de solitude et d’ennui, elle ne le laisse pas aller à la rêverie et empêche son imaginaire de se développer. "L’imaginaire enfantin subit une incursion de sons et d’images, il y a comme un effet de suralimentation de l’imaginaire [...] Transformé-e en spectateur ou spectatrice, le rêveur ou la rêveuse ne crée pas ses images, il ou elle se laisse envahir par celles qu’on lui impose" peut-on lire dans les Actes du séminaire Enfants et télévision (6). Alors qu’il est évident que le développement de son imaginaire est nécessaire à son épanouissement, et comme le note très justement Bettelheim "la télévision saisit l’imagination mais ne la libère pas".

Publicité et conditionnement

La télévision est devenue un agent d’intégration efficace à la société de consommation dans laquelle la publicité a une place centrale. Elle influence les choix de l’enfant, ses préférences, mais aussi et surtout elle lui fait intégrer ses valeurs et influence sa perception du monde. Non seulement elle lui fait chanter ses slogans, réciter les dialogues des spots publicitaires, mais surtout elle le/la fait rentrer dans la société de consommation.

Avant l’âge de 12 ans, un-e enfant aura vu environ 100 000 publicités. Est-ce le quota nécessaire pour le/la conditionner aux normes de la pensée dominante ? Liliane Lurçat relève que "les publicitaires ont transformé l’enfant en consommateur/rice en créant chez elle/lui des désirs mimétiques"(7).

D’ailleurs, les publicitaires ont bien compris qui il fallait cibler, non seulement pour conditionner les individu-e-s dès le plus jeune âge mais aussi, comme l’écrit Dominique Pasquier parce que "les jeunes représentent un énorme marché sur lequel l’industrie pèse de tout son poids [...] Partout, les jeunes exercent une très grande pression sur leurs parents pour consommer, avoir "la même chose que les autres." Les parents qui ne peuvent assurer se sentent disqualifiés." (8). En somme, dès ses premières années, le jeune téléspectateur ou la jeune téléspectatrice est noyé-e dans un monde d’objets et de tentations matérielles qui lui feront d’autant mieux accepter la société actuelle. Certes, la télévision est omniprésente et certain-e-s se demandent si empêcher un-e enfant de la regarder n’aura pas des effets perturbateurs voire néfastes. En tout cas, il est des adultes qui entourent l’enfant d’éviter qu’il/elle regarde quotidiennement le tube cathodique et de progressivement développer chez lui/elle ses capacités d’analyse et de compréhension des médias, de le/la rendre critique - dans la mesure du possible - par rapport à l’image télévisuelle. Pour notre part, nous pensons que la télé n’est absolument pas indispensable dans la vie. Nous laisserons la conclusion à Liliane Lurçat : "La télévision façonne des êtres coulés dans le même moule : mêmes désirs, mêmes souvenirs... C’est une forme moderne de totalitarisme. Bien sûr, les enfants à qui on refuse la télévision seront frustré-e-s par rapport à leurs ami-e-s. Et alors ? Un-e enfant se construit dans le conflit et la frustration. C’est le seul moyen pour elle/lui de se forger une personnalité. Et la télévision n’offre pas cette possibilité, elle l’enferme dans un monde fictif." (9)

Cdric et Jean-Claude

(1) Sciences et Avenir, Février 1998. / (2) "L’Univers de la télé", les Collections du Nouvel Observateur / (3) Vie et Santé, Juin 1992. / (4) Bruno Bettelheim, "C’est un jardin extraordinaire" / (5) R. Blind et M. Pool, "La télévision buissonnière". Ed. Jouvence. / (6) Actes du séminaire Enfants et télévision, Ardèche, 1990. / (7) Vie et Santé, Juin 1992. / (8) Enquête sur "Les jeunes et l’écran", Télérama, 24 lévrier 1999. / (9) Marie-Claire, Novembre 1997. /

UN BONHEUR SI CONFORME

François Brune, enseignant et auteur de plusieurs livres dont Les médias pensent comme moi (Ed. l’Harmattan) et Le bonheur conforme (Ed. Gallimard) nous livre dans cet entretien ses réflexions sur ce qu’il nomme "le discours anonyme". Il nous explique comment l’événement empêche de comprendre la réalité du monde et comment l’idéologie publicitaire agit sur les consciences.

Vous avez publié un livre Les médias pensent comme moi, fragments du discours anonyme. Qu’entendez-vous par discours anonyme et par fragment ?

François Brune : J’ai écrit cet ouvrage dans le sillage du précédent, Le Bonheur conforme, dans lequel j’avais analysé l’idéologie publicitaire. Je m’étais aperçu que durant les années 1980, l’idéologie publicitaire avait complètement gangrené l’idéologie médiatique dans son ensemble. Mais à la différence des idéologies de droite ou de gauche, qui s’annonçaient comme telles, il y avait désormais un discours médiatique qui ne s’avouait pas. Je l’ai appelé "discours anonyme". Pourquoi "anonyme" ? Tout simplement parce qu’il est difficile d’en connaître l’origine. Imprégnant les journalistes plus ou moins à leur insu, il invite les gens à se fondre dans des modèles publicitaires ou médiatiques dépersonnalisants. Et pourquoi "fragment" ? Parce que nous faisons face à un tel problème qu’on ne peut le saisir que partiellement. Ma méthode de travail a consisté à prélever des phrases, des extraits d’émission, des logiques événementielles, et à les disséquer...

Aujourd’hui nous sommes assailli-e-s par l’actualité, par une succession d’événements. Qu’est-ce qu’un événement ?

FB : Tout semble se passer comme si on voulait maintenir les gens dans un état de suivisme permanent, comme si l’actualité était produite pour les empêcher d’entamer une réflexion sur eux-mêmes et de prendre une certaine distance par rapport à tout événement. Ce dernier, tel qu’il apparaît dans les médias, est toujours présenté comme un épiphénomène décontexté, sans rapport avec ce qui se déroule objectivement dans les faits. Sans analyse des causes et des effets, l’événement est un produit que l’on consomme, et qui doit susciter l’émotion immédiate chez l’auditeur, l’auditrice, la téléspectatrice ou le téléspectateur. La plupart du temps il ne me concerne en rien, il me suffit d’observer la disproportion évidente entre ce qui pourrait sembler être de vrais événements, dont on a très peu d’informations, et qui nous concernent directement, et à l’inverse, des faits amplifiés jusqu’à la démesure, et qui sont de pseudo-événements, totalement superficiels. Et les exemples ne manquent pas : la venue du Pape en août 1997, la mort de la princesse Diana, le Mondial de football, les aventures de Mlle Lewinsky, etc.

C’est ce que vous appelez la"ritualité de l’événement" ?

FB. : En effet, cette ritualité est créée pourépicernotrevie, rythmée par notre travail, pour nous masquer plus ou moins nos problèmes quotidiens, etc. Tout est fait pour que nous ne prenions pas conscience de l’absurdité du système dans lequel nous vivons. Et pour cela, il y a les "évènements" successifs qui doivent susciter notre compassion, notre intérêt. L’horreur pour le ou la journaliste, c’est quand il ne se passe rien... de médiatique. Alors on nous parle d’un sondage quelconque, de l’anniversaire d’une personnalité, d’une commémoration, etc. Et bien sûr, de l’aube du 111ème millénaire L’angoisse du monde contemporain, c’est le silence médiatique.

Cette "réalité" construite de toutes pièces ne permet nullement de comprendre les choses qui nous entourent...

FB : Il s’agit de dévorer et non pas de comprendre. L’événement est un produit qui se consomme, affectivement ou émotionnellement. Plus on est dans un état d’absorption affectif, moins on est capable de réflexion analytique. On ne peut prendre du recul par rapport à un événement qu’à la condition d’avoir une certaine conscience critique. L’événement est quelque chose qui occupe littéralement tout le présent, pour mieux effacer la réflexion sur le passé ou l’interrogation sur le futur.

Dans votre livre, vous écrivez : "Dans le public, quand monte le taux d’écoute, on peut être sûr-e que baisse le taux de parole"...

FB : Tout-à-fait ! Dans la mesure où il se produit une sorte de fascination qui provoque un silence atterré, ou alors des phrases rituelles du genre : "Vous avez vu ce qui se passe...". On demeure spectateur ou spectatrice sans avoir les moyens de comprendre pourquoi ni comment on en est arrivé-e là. Le discours anonyme est une forme d’attitude uniforme et coupe court à toute réflexion, tout propos personnel. Comment parlerait-on entre nous, puisqu’on est tou-te-s individuellement focalisé-e-s sur l’événement qui occupe tout le champ de notre conscience ?

Vous dites encore : " Je ne vis pas ma vie, je la consomme à travers le champ dramatisé de mon temps"...

FB. : Oui, parce que je ne suis pas le seul à assister à l’événement. Tou-te-s les autres individu-e-s y assistent également. Il y a ainsi une sorte de grande intimidation, de grand chantage qui s’opère sur nous tou-te-s. Il faut être au courant de ce qui se passe, de ce que l’on nous montre. Si on est déconnecté-e, comment entrer en contact avec les autres ? En somme, l’événement sert de faux moyen de socialisation. C’est grâce à lui que l’on croit entrer en communication avec ses collègues, ses voisin-e-s, ses ami-e-s, alors qu’on n’a fait qu’absorber le même produit, la même drogue !

Cette "réalité" construite, jour après jour, par les médias n’empêche-t-elle pas les individu-e-s d’avoir envie d’agir sur le monde ?

FB : C’est fait pour ! Il y a une telle disproportion entre ma misérable petite vie quotidienne et l’ampleur des problèmes mondiaux qu’on me présente comme essentiels que je suis vite découragé. La surinformation empêche non seulement la véritable information de percer mais surtout toute réflexion concernant ce qui se passe autour de moi. Si vous êtes paysan-ne, par exemple, les infos vous concernant sont minoritaires par rapport au flot quotidien de nouvelles. Pour avoir droit à la parole, il faut devenir à son tour, l’événement médiatique. Une catégorie de personnes peut souffrir d’un problème particulier et ne jamais avoir droit au chapitre alors qu’au contraire, on peut être seul-e, traverser l’Atlantique mais sponsorisé, et là, des heures d’antenne vous sont consacrées...

La force des médias est également de donner aux gens assistant à un spectacle, l’impression de vivre la "réalité". On le voit très bien avec le "Super Bowl" américain, la finale du championnat de foot US. Que 70% des Américain-e-s regardent ce match en fait un véritable événement national...

FB : Effectivement il y a cette idée importante que le fait d’être spectatrice ou spectateur d’une prétendue réalité l’a fait exister comme telle. SI vous êtes des millions à regarder un pseudo-événement, celui-ci prend une importance disproportionnée, et les journalistes qui vous l’ont fait regarder, grâce à leur battage publicitaire, concluront avec fierté : vous voyez, c’était bien un événement !

Le "discours anonyme" à travers la télévision et la publicité, fait l’apologie de la déraison, du coup de coeur. Il se place au niveau du " j’aime, j’aime pas"...

FB. : Dans les médias, tout semble exalter le sensoriel, visuel ou musical pour empêcher, atténuer, ce que l’on pourrait appeler l’ntelligence critique. Bien sûr, on adhère au monde par nos sens, mais de là à faire de la sensorialité l’absolu, d’oublier que l’être humain est un animal pensant, ça pose problème. Or, tout va dans ce sens. L’exemple des rires pré-enregistrés est symptômatique. On dit aux gens qu’il faut rire comme s’ils n’étaient pas capables d’en faire l’opération intellectuelle. Voyez aussi l’expression fréquente : "Eclatez-vous", c’est-à-dire brisez les carcans de votre conscience, lâchez les brides de votre inconscient. Or, si vous lâchez les brides de votre inconscient dans le domaine du loisir, croyez-vous les conserver dans le domaine du respect d’autrui et de l’action politique ? C’est la même "inconscience", au sens profond du terme, qui va vous faire considérer les autres comme de simples instruments de votre plaisir, ou bien les haïr : hédonisme et racisme ont la même source pulsionnelle. Il n’y a de respect d’autrui, d’insoumission aux autorités ou de refus des pulsions de pouvoir (en soi) que dans la volonté de conscience. Dans le cas contraire, on n’est qu’une force brute qui à son tour pourra aliéner les autres.

Dans Le bonheur conforme, vous insistez sur la publicité comme ne s’adressant au/à la citoyen-ne que pour en faire un consommateur ou une consommatrice. Mais au bout du compte, dites-vous, "Le phénomène publicitaire sert moins de moteur d’achat que de grand justificateur fort nécessaire des euphories de consommation. Il est la matrice de ce prêt-à-penser dans les futures générations devenues "opinion publique", qui en auront grand besoin pour se sentir heureuses dans leur mode de vie à la fois essoufflé et protégé.

FB : Il y a 40 ou 50 ans, le conditionnement publicitaire se réduisait à la propagande pour tel ou tel produit. Or, aujourd’hui l’enfant naît dans "un bain de consommation". Ce n’est plus tel ou tel produit qui est en question mais l’acte d’achat dans sa globalité, quelle que soit la marque. Aujourd’hui pour vivre, il fait acheter et consommer. Il suffit de remarquer la musique d’ambiance qui est diffusée dans certains magasins pour imaginer que nous vivons dans une sorte d’apesanteur où la marchandise vous est pratiquement offerte. D’ailleurs, tout est fait pour oublier que l’on dépense, depuis l’utilisation généralisée de la carte bancaire... Nous sommes censés-e-s vivre dans une espèce de meilleur des mondes où l’on ne peut rien contre les grands drames qui nous entourent et où la meilleure manière de les nier dans leurs causes est encore d’en consommer le spectacle à la télévision.

Selon la logique du système, la société tend à s’atomiser. Si bien que chacun-e se retrouve chez soi devant sa télévision, son ordinateur... Je crois que le système a très bien compris que c’est à travers la rencontre de l’autre, dans l’échange, que la résistance naît.

FB : Oui certainement, sauf si l’échange est lui-même piégé. Et c’est justement le rôle des médias : faire croire à l’échange et à l’interactivité là où il n’y a que consommation passive, anonyme et unanime.

Continuons le décryptage du "discours anonyme". Il réduit très souvent le qualitatif au quantitatif...

FB : C’est la négation des valeurs, c’est-à-dire que la qualité n’a pas de sens en tant que telle. Cela a déjà été dit par un penseur du XlXème siècle, nommé Karl Marx. Il avait montré que le fétichisme de la marchandise, la mercantilisation, réduisaient tout produit artistique à sa valeur quantitative.

Aujourd’hui, on retrouve ce phénomène dans le domaine du cinéma, qui est censé être un art, tout se réduit au nombre d’entrées. Sur la jaquette de la vidéo de Les visiteurs, l’argument publicitaire est le nombre de spectateurs/ices. Comme si le fait que des milliers de gens aient vu ce film était un gage de qualité.

FB : On retrouve là le phénomène dit de la "majorité", de "l’intimidation majoritaire". Concernant les pratiques frauduleuses des chasseurs et chasseuses de scoop, l’un des responsables du magazine Voici s’est justifié par cette simple phrase : "On fait 800 000 exemplaires chaque semaine". Autrement dit, la réussite quantitative, c’est-à-dIre commerciale, était son seul et unique argument. Il y a aussi le cas du film Titanic. Le coût de production exorbitant de ce long métrage fut un des principaux arguments pour attirer les foules.

A la fin de votre livre Les médias pensent comme moi, vous notez l’exemple du candidat au baccalauréat qui énonce cette phrase : "Il faut se cultiver l’esprit pour pouvoir se sentir bien dans sa peau". Que sous-entend cette phrase ?

FB : C’est l’inversion même de ce qu’il faudrait faire. L’esprit est réduit à une sorte d’activité mentale périphérique qui n’a pour fonction finalement que de réguler la santé dans tout ce qu’elle peut avoir uniquement de sensoriel. Un hebdomadaire déclare, dans le même sens : " La vérité, c’est bon pour la santé ". Etre bien dans sa peau est une expression, si on la prend au sens général, qui signifie être équilibré-e. Mais si on la prend à la lettre, être bien dans sa peau, c’est n’exister qu’à la surface de son épiderme. Ce qui est tout à fait dans la logique publicitaire. L’un des traits de l’idéologie dominante, c’est d’enfermer chacun-e dans la logique du fonctionnel. On travaille le comment sans jamais interroger le pourquoi. Cette idéologie fonctionnelle va de pair avec une idéologie d’euphémisation permanente, c’est-à-dire qu’au lieu de présenter les choses dans leur réalité crue, humaine, on les présente sous l’aspect strictement fonctionnel, un langage bien précis est utilisé pour feutrer la réalité du monde et pour empêcher que l’on se pose de vraies questions : il suffit que ça "fonctionne".

Le discours "anonyme" utilise aussi des mots clefs pour couvrir les problèmes sociaux, des mots comme "dialogue", "consensus", "dysfonctionnement".

FB : A propos du chômage, on a assisté à une floraison de mots. Quand une entreprise parle de "restructuration", elle présente la chose sous un angle positif, alors que cela se traduira par des démantèlements et des licenciements. Tout langage "fonctionnel" cherche à présenter, de façon positive, ce qui est le plus souvent dramatique pour les humain-e-s. Dès qu’il y a quelque chose de douloureux, qui pourrait porter à réfléchir, on l’appelle "dysfonctionnement". Ce mot sert à camoufler ce qui ne va pas et présuppose que l’on va trouver un remède qui sera lui-même technique. Alors que si on utilisait les termes "drame" "problème" ou "question fondamentale", cela supposerait qu’on passe à un autre échelon, autrement dit humain, métaphysique. A propos de la télévision, par exemple, on a trouvé la solution d’une puce électronique que l’on met dans le téléviseur pour avertir qu’il va être diffusé un passage violent. Que faire face aux violences dont raffolent les productions médiatiques ? On pourrait réfléchir sur les raisons de la violence sociale, sur les raisons pour lesquelles les gens l’apprécient dans les spectacles et sur les façons dont on pourrait éviter qu’elle soit mise à l’affiche. Et bien non, on trouve une puce qui permet de se cacher à soi-même ou aux enfants l’image trop violente qui va faire irruption dans le film. On trouve ainsi un remède fonctionnel, au lieu de résoudre un problème de fond.

Collectif

BIBLIOGRAPHIE

La revue Casseurs de Pub développe une critique claire et imagée de la société de consommation et de ses outils, comme la télévision. Le premier texte de cette brochure est paru dans leur dossier annuel n°2 (nov. 2000) et aussi dans leur lettre d’information n°3 (avr.2000), parue à l’occasion d’une semaine sans télé.

Casseurs de pub //www.antipub.net/ 11 place Croix-Paquet, 69001 Lyon

La revue No Pasaran propose divers articles d’inspiration " solidaire, égalitaire, libertaire ". Début 2000 paraît un dossier " télévision, le contrôle social chez soi ", dont sont tirés les trois autres textes de cette brochure. L’introduction du dossier est la suivante : " Une critique radicale du capitalisme et de la société qu’il engendre ne peut pas faire l’économie d’une analyse des armes du contrôle social. Nous nous référons à la définition du contrôle social de l’Encyclopaedia Universalis : "Ensemble des ressources matérielles et symboliques dont dispose une société pour s’assurer de la conformité du comportement de ses membres à un ensemble de règles et de principes prescrits et sanctionnés." Et comme l’écrivait Jean Baudrillard (Pour une critique de l’économie du signe, Ed. Gallimard) : "La télé, c’est par sa présence même, le contrôle social chez soi". Ce dossier, réalisé en étroite collaboration avec le R.A.T. (Réseau pour l’Abolition de la Télévision) montre le poids écrasant de la télé, tant dans la vie de la plupart des individu-e-s que dans la production des savoirs et dans la transmission des informations. Ce conditionnement commence dès l’enfance. Les réflexions sur le petit écran dépassent le cadre de la seule critique des médias pour s’intéresser à tous les moyens qu’utilise l’idéologie dominante pour se développer. "

No Pasaran //nopasaran.samizdat.net/ 21ter rue Voltaire, 75011 Paris

Le fameux R.A.T., Réseau pour l’Abolition de la Télévision, édite la revue trimestrielle Brisons nos chaînes ! Il a également fait publier, aux éditions Reflex, un recueil de nouvelles et de dessins, Contre la Télé.

R.A.T. c/o Publico, 145 rue Amelot, 75011 Paris

On trouve facilement les ouvrages de François Brune, Les médias pensent comme moi (éd. L’Harmattan, 1993) et Le bonheur conforme (éd. Gallimard,1998).

Les écrits des situationnistes (comme la revue de l’Internationale Situationniste, éd. Fayard) donnent une importante analyse des logiques spectaculaires-marchandes en général.

*Pour qui, comme nous, n’est pas persuadé-e qu’un-e enfant " se construit dans le conflit et la frustration ", lire L’abolition de l’enfance de Shulamith Firestone (1970, éd. Tahin party), ou encore Libres enfants de Summerhill d’A.S. Neill (Folio 1985)...

et pour plein d’autres brochures : www.infokiosques.net

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